• Ô quel ennui à ceux de départir
    Où ferme amour ne peut être offensée ;
    Laquelle vient toutefois nous partir
    Joie et douleur en secrète pensée.
    Il est bien vrai que n'est pas compensée
    La joie au mal qu'un chacun de nous porte.
    Mais sûre foi de tant nous réconforte
    Qu'il n'y a temps, longue absence ou demeure
    Qui puisse clore à nos désirs la porte...

  • Riche d'espoir et povre d'autre bien,
    Comblé de dueil et vuidé de liesse,
    Je vous supply, ma loyalle maistresse,
    Ne me tollez ce que je tiens pour mien.

    Si je le pers, je n'auray jamais bien :
    C'est l'espargne de toute ma richesse,
    Riche d'espoir et povre d'autre bien.

    Souffrir pour vous, hélas, je le vueil bien
    Je n'ay rien mieulx que...

  • Carite l'autre jour si pompeuse et si belle,
    De la terre, et du Ciel montroit tous les tresors ;
    Quand je me laissay vaincre aux amoureux transports,
    Qui m'en firent pretendre une faveur nouvelle.

    Mais j'en fus repoussé d'une main si cruelle,
    Et d'un si rude coup je sentis les efforts,
    Que mon ombre craintive erra parmy les morts,
    Preste à passer...

  • La voix qui retentit de l'un à l'autre Pole,
    La terreur et l'espoir des vivans et des morts,
    Qui du rien sçait tirer les esprits et les corps,
    Et qui fit l'Univers, d'une seule parole.

    La voix du Souverain, qui les cedres desole,
    Cependant que l'espine estale ses tresors ;
    Qui contre la cabane espargne ses efforts,
    Et reduit à neant l'orgueil du...

  • Autant comme l'on peut en un autre langage
    Une langue exprimer, autant que la nature
    Par l'art se peut montrer, et que par la peinture
    On peut tirer au vif un naturel visage :

    Autant exprimes-tu, et encor davantage,
    Avecques le pinceau de ta docte écriture,
    La grâce, la façon, le port et la stature
    De celui qui d'Énée a décrit le voyage.
    ...

  • De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle,
    Je sens mon coeur transi d'une morne froideur,
    Et ne sens plus en moi cette divine ardeur
    Qui t'enflamme l'esprit de sa vive étincelle.

    Seulement quand je veux toucher le los de celle
    Qui est de notre siècle et la perle et la fleur,
    Je sens revivre en moi cette antique chaleur,
    Et mon esprit lassé...