•  
    Pour arracher la morte aussi belle qu’un ange
    Aux atroces baisers du ver,
    Je la fis embaumer dans un boîte étrange.
    C’était par une nuit d’hiver :

    On sortit de ce corps glacé, roide et...

  •  
    Heureux qui vit sans se connaître
    Indéfiniment établi
    Dans la paix de son propre oubli,
    À la surface de son être !

    Car les clairvoyants du destin
    Vivent la mort lente et soufferte,
    Sentant partout la tombe ouverte
    Au bord de leur pas incertain.

    Ils ont usé la patience
    Comme ils ont épuisé l’orgueil ;
    Toute leur âme est un...

  •  
    Longtemps cette figure obséda mes regards,
    Et l’éternel supplice auquel Dieu me condamne,
    Aux rayons ténébreux de ses deux yeux hagards
    S’accrut férocement dans mon cœur et mon crâne.

    Son affreux souvenir me hantait : et, la nuit,
    Dans mon gîte où la Peur le long des meubles rampe,
    Cette face où ricane un formidable ennui
    Luisait aux murs, et...

  •  
    En tas, poussant de longs cris aboyeurs
    Aussi plaintifs que des cris de chouettes,
    Autour des ports, sur les gouffres noyeurs,
    Dans l’air salé s’ébattent les mouettes,
    Promptes au vol comme des alouettes.
    D’un duvet mauve et marqueté de roux,
    Sur l’eau baveuse où le vent fait des trous,
    On peut les voir se tailler des besognes
    Et se...

  •  
    Tic tac, tic tac ! Le moulin sonne,
    Enfariné par tous les bouts,
    Près du donjon plein de hiboux,
    Dans la verdure qui frisonne.

    Au bord du torrent qui façonne
    Les joncs hauts comme des bambous,
    Tic tac, tic tac ! le moulin sonne,
    Enfariné par tous les bouts.

    L’âne qu’un rien caparaçonne,
    Suit dans l’herbe et le long des trous...

  •  
    La mousse aime le caillou dur,
    La tour que la foudre électrise,
    Le tronc noueux comme un fémur
    Et le roc qui se gargarise
    Au torrent du ravin obscur.

    Elle est noire sur le vieux mur,
    Aux rameaux du chêne elle est grise,
    Et verte au bord du ruisseau pur,
             La mousse.

    Le matin, au temps du blé mûr,
    Ce joli végétal qui...

  •  
    À l’heure où l’ombre noire
    Brouille et confond
    La lumière et la gloire
    ...

  • « Tiens ? il vous manque un doigt, dis-je au vieux menuisier,
    Et par quel accident ? — Ah ! ça c’est un mystère
    Que l’on d’vait seul’ment deux emporter dans la terre,
    Mais j’vas l’conter à vous qu’êt’ pas un potinier !

    J’aimais un’ fill’ moqueuse et qui voulait pas d’moi.
    V’là qu’ell’ me dit un jour, net ! pour pas que j’revienne,
    « Si tu te coup’ un doigt...

  •  
    Pourquoi donc rougit la pucelle
    En face de l’adolescent ?
    Pourquoi ce rire languissant
    Et cette allure qui chancelle ?

    Qu’est-ce qui mouille l’étincelle
    De son beau regard innocent ?
    Pourquoi donc rougit la pucelle
    En face de l’adolescent ?

    Ce vermillon qui la harcèle
    Lui vient-il de l’âme ou du sang ?
    Est-ce un danger qu’...

  • Avec ma brune, dont l’amour
    N’eut jamais d’odieux manège,
    Par la vitre glacée, un jour,
    Je regardais tomber la neige.

    Elle tombait lugubrement,
    Elle tombait oblique et forte.
    La nuit venait et, par moment,
    La rafale poussait la porte.

    Les arbres qu’avait massacrés
    Une tempête épouvantable,
    Dans leurs épais manteaux nacrés
    ...