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    Ô puissant Gutenberg ! Germain de bonne race
             Dont le mâle et hardi cerveau
    De l’antique univers a rajeuni la face
             Par un prodige tout nouveau ;
    Lorsqu’aux rives du Rhin, dans une nuit ardente,
             Amant d’une divinité,
    Tu pressas sur ton sein la poitrine fervente
             De l’immortelle liberté,
    Tu crus sincèrement...

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    Ma femme, apportez-moi vite mon encrier
    Et mes plumes, je veux coucher sur le papier
    Le rêve éblouissant de grandeur et d’aisance
    Que je viens tout d’un coup de faire pour la France
    Ainsi que pour le monde !... assis au champ de Mars
    Ce matin, je voyais sous nos fiers étendards
    Manœuvrer bravement les fils de la patrie.
    Cavaliers, fantassins,...

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    Nous avons tout perdu, tout, jusqu’à ce gros rire
    Gonflé de gaîté franche et de bonne satire,
    Ce rire d’autrefois, ce rire des aïeux
    Qui jaillissait du cœur comme un flot de vin vieux
    Le rire sans envie et sans haine profonde,
    Pur n’y plus revenir est parti de ce monde.
    Quel compère joyeux que le rire autrefois !
    Maintenant il est triste, il...

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    Arétin.
    Oui, compère, le fait qu’on vous a rapporté
    Est vrai sur tous les points. Strozzi, dans le côté,
    Hier soir fut salué par un bon coup de dague,
    Près saint-Jean et saint-Paul... et, pour être moins vague,
    C’est de moi qu’il le tient par procuration.
    J’ai dû répondre fer à qui parlait bâton :
    Ce coup rabaissera quelque peu sa jactance....

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    Hélas ! Hélas ! Faut-il qu’une haleine glacée
    Ternisse le front pur des maîtres glorieux,
    Et faut-il qu’ici-bas les dieux de la pensée,
    S’en aillent tristement comme les autres dieux !

    De Shakspeare aujourd’hui les sublimes merveilles
    Vont frapper sans émoi les humaines oreilles ;
    Dans ses temples déserts et vides de clameurs,
    À peine trouve-t...

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    Comme aux jours déclinants de l’empire de Rome,
    La mode est aujourd’hui de jouer au grand homme,
    De se donner, vivant, les airs d’un immortel
    Et d’avoir comme un saint sa niche et son autel.
    C’était peu d’accabler les journaux de réclames
    Et, par maints tours adroits, maintes secrètes trames,
    D’obtenir de la main d’un pauvre rédacteur
    De génie...

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    Ô toi qui marches en silence
    Le long de ce rivage noir,
    Et qui regardes l’onde immense,
    Avec les yeux du désespoir,
    Où vas-tu ? — Je vais sans folie
    Me débarrasser de la vie,
    Comme on fait d’un mauvais manteau,
    D’un habit que l’onde traverse,
    D’un vêtement que le froid perce,
    Et qui ne tient plus sur la peau.

    — À la mort !...

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    I

    Lorsque la foi brûlante a déserté les âmes,
    Quand le pur aliment de toutes chastes flammes,
    Le nom puissant de Dieu des cœurs s’est effacé,
    Et quand le pied du vice a partout repassé,
    La vie à tous les dos est chose fatigante ;
    C’est une draperie, une robe traînante,
    Que chacun à son tour...

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    Quand l’art italien, comme un fleuve autrefois,
    S’en venait à passer par une grande ville,
    Ce n’était pas alors une eau rare et stérile,
    Mais un fleuve puissant à la superbe voix.

    Il allait inondant les palais jusqu’aux toits,
    Les dômes suspendus par une main débile,
    Il reflétait partout dans son cristal mobile
    Le manteau bleu des dieux et la...

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    Toutes les Muses glorieuses
    N’ont pas au front le calme et la sérénité,
    Et dans le chœur sacré de ces nobles chanteuses
    Plus d’une grande voix sonne avec âpreté.
    L’une épanche son âme en plaintes infernales,
    Par les bois, et les monts, et les flots voyageurs ;
    L’...