• Sans connaissance aucune en mon Printemps j'étais :
    Alors aucun soupir encor point ne jetais,
    Libre sans liberté : car rien ne regrettais
    En ma vague pensée
    De mols et vains désirs follement dispensée.
    Mais Amour, tout jaloux du commun bien des Dieux,
    Se voulant rendre à moi, comme à maints, odieux,
    Me vint escarmoucher par faux alarmes d'yeux,
    Mais je...

  • Je suis la Journée,
    Vous, Amy, le jour,
    Qui m'a détournée
    Du fâcheux séjour.
    D'aimer la Nuit certes je ne veux point,
    Pource qu'à vice elle vient toute à point :
    Mais à vous toute être
    Certes je veux bien,
    Pource qu'en votre être
    Ne gît que tout bien.

    Là où en ténèbres
    On ne peut rien voir
    Que choses funèbres,
    Qui...

  • Tu te plains que plus ne rimasse,
    Bien qu'un temps fut que plus aimasse
    À étendre vers rimassés,
    Que d'avoir biens sans rime assez :
    Mais je vois que qui trop rimoye
    Sus ses vieux jours enfin larmoye.

    Car qui s'amuse à rimacher
    À la fin n'a rien à mâcher.

    Et pource, donc, rime, rimache,
    Rimone tant et rime hache,
    Qu'avecques...

  • Le Corps ravi, l'Âme s'en émerveille
    Du grand plaisir qui me vient entamer,
    Me ravissant d'Amour, qui tout éveille
    Par ce seul bien, qui le fait Dieu nommer.

    Mais si tu veux son pouvoir consommer,
    Faut que partout tu perdes celle envie :
    Tu le verras de ses traits s'assommer,
    Et aux Amants accroissement de vie.

    (Rymes XII)

  • Je suis tant bien que je ne le puis dire,
    Ayant sondé son amitié profonde
    Par sa vertu, qui à l'aimer m'attire
    Plus que beauté : car sa grâce et faconde
    Me font croire la première du monde.

    (Rymes XVII)

  • C'est un grand mal se sentir offensé,
    Et ne s'oser, ou savoir à qui plaindre :
    C'est un grand mal, voire trop insensé,
    Que d'aspirer, où l'on ne peut atteindre :
    C'est un grand mal que de son coeur contraindre,
    Outre son gré, et à sujétion :
    C'est un grand mal qu'ardente affection,
    Sans espérer de son mal allégeance :
    Mais c'est grand bien, quand à...

  • Si j'aime cil, que je devrais haïr,
    Et hais celui, que je devrais aimer,
    L'on ne s'en doit autrement ebahir,
    Et ne m'en dût aucun en rien blâmer.

    Car de celui le bien dois estimer,
    Et si me fuit, comme sa non semblable :
    Mais de celui-ci le plaisir trop damnable
    M'ôte le droit par la Loi maintenu.

    Voilà pourquoi je me sens redevable,...

  • LE PREMIER POSTE

    Amour, craignant qu'ayez abandonné
    Lui et son train, en éloignant sa cour,
    Soudainement m'a ce paquet donné,
    Me commandant par le chemin plus court
    Vous faire entendre, ainsi que le bruit court,
    Qu'il n'y aura de vous belle ni laide
    - Si ainsi est - qu'il ne laisse tout court
    Pleurer en vain son secours et son aide.
    ...

  • Si c'est Amour, pourquoi m'occit-il donc,
    Qui tant aimai, et haïr ne sus onc ?
    Et s'il m'occit, pourquoi plus outre vis ?
    Et si ne vis, pourquoi sont mes devis
    De désespoir et de plaints tous confus ?
    Meilleur m'était, soudain que né je fus,
    De mourir tôt que de tant vivre, même
    Que mortel suis ennemi de moi-même :
    Et ne puis, las, et ne puis...

  • Le haut pouvoir des Astres a permis -
    Quand je naquis - d'être heureuse et servie :
    Dont, connaissant celui qui m'est promis,
    Restée suis sans sentiment de vie,
    Fors le sentir du mal, qui me convie
    A regraver ma dure impression
    D'amour cruelle, et douce passion,
    Où s'apparut celle divinité,
    Qui me cause l'imagination
    A contempler si haute...