• Gordes, que ferons-nous ? Aurons-nous point la paix ?
    Aurons-nous point la paix quelquefois sur la terre ?
    Sur la terre aurons-nous si longuement la guerre,
    La guerre qui au peuple est un si pesant faix ?

    Je ne vois que soudards, que chevaux et harnois,
    Je n'ois que deviser d'entreprendre et conquerre,
    Je n'ois plus que clairons, que tumulte et tonnerre...

  • Bienheureux soit le jour, et le mois, et l'année,
    La saison, et le tens, et l'heure, et le moment,
    Le pays et l'endroict où bien heureusement
    Ma franche liberté me feust emprisonnée.
    Bienheureux l'astre au ciel d'où vient ma destinée,
    Et bienheureux l'ennuy que j'euz premierement,
    Bienheureux aussi l'arc, le traict et le tourment
    Et la playe que j'ay dans le...

  • Tandis que je me plains, à l'ombre de ces bois,
    De celle qui detient ma franchise egarée,
    J'entens le rossignol se plaignant de Terée,
    Qui son ramage accorde aux accens de ma voix.
    Tous deux diversement nous plaignons toutesfois :
    Luy, de vengence ayant toute l'ame alterée,
    Moy, au contraire ayant la mienne enamourée
    D'une pour qui cent morts en vivant je...

  • Ce qu'en veillant je n'osai de ma vie
    Feindre ou penser à mon entendement,
    M'est advenu dormant profondément,
    Maugré le temps, mon étoile et l'envie;
    Si qu'à présent ma plainte poursuivie,
    Mon dur travail et mon âpre tourment
    Sont effacés, et libéralement
    Je remets tout à ma chaste ennemie.
    Bien je voudrais que le ciel eût daigné
    Faire éternel mon...

  • Il ne faut pas toujours le bon champ labourer :
    Il faut que reposer quelquefois on le laisse,
    Car quand chôme longtemps et que bien on l'engraisse,
    On en peut puis après double fruits retirer.

    Laissez donc votre peuple en ce point respirer,
    Faisant un peu cesser la charge qui le presse,
    Afin qu'il prenne haleine et s'allège et redresse
    Pour mieux une...

  • Si d'Amour vient mon gracieux martyre,
    L'effet d'Amour, las ! quoy ? quelle chose est-ce ?
    Si bonne elle est, les siens comment oppresse ?
    Pourquoy à mal incessamment les tire ?

    Si mauvaise est, quell' raison ay je à dire
    Doux mon tourment, plaisante ma tristesse ?
    Si elle plaist, à quoi plains je sans cesse ?
    S'elle deplaist, que m'y vault dueil ou...

  • Petit jardin, petite plaine
    Petit bois, petite fontaine,
    Et petits coteaux d'alentour,
    Qui voyez mon être si libre,
    Combien serais-je heureux de vivre,
    Et mourir en votre séjour !

    Bien que vos fleurs, vos blés, vos arbres,
    Et vos eaux ne soient près des marbres,
    Ni des palais audacieux,
    Tel plaisir pourtant j'y retire
    Que mon heur, si je...

  • Bienheureux est celuy, qui loing de la cité
    Vit librement aux champs dans son propre heritage,
    Et qui conduyt en paix le train de son mesnage,
    Sans rechercher plus loing autre felicité.
    Il ne sçait que veult dire avoir necessité,
    Et n'a point d'autre soing que de son labourage,
    Et si sa maison n'est pleine de grand ouvrage,
    Aussi n'est-il grevé de grand'...

  • Ce n'est pas moy qui sçait d'une voix feinte,
    Ou d'un semblant traitrement deguisé,
    Feindre mon cueur d'un amour embrasé,
    Pour à tous vents la flamme en estre esteinte.
    Autre'que moy d'une menteuse plainte
    Aura l'honneur des dames abusé,
    Car sois-je pris, ou sois-je refusé,
    J'ayme tousjours d'une amitié plus sainte.
    Et si chantant d'une debile voix,...

  • Tandis que je me promeine
    Parmy cette belle pleine,
    Et qu'en resvant je m'en vois
    Promener parmy ces bois,
    Je sens mon couler dans mon âme
    Un souvenir de ma Dame,
    Qui me faict aussi soubdain
    Faire un tel souhait en vain.

    Pleust au dieu par qui j'essaie
    Quelle est l'amoureuse plaie,
    Que celle qui m'a ravy,
    Celle qui tient asservy...