• J'estois tout seul entier dans mon essence,
    Au paradis de l'amour de moy-mesme,
    Et mon esprit, en ce logis supreme,
    Se reposoit sus ma douce indolence :

    A mon resveil, je vy en ma presence
    Celle moitié de mon tout, que plus j'ayme
    Estre sans moy, cause et principal theme
    De ceste mort, que j'ay par son offense.

    Puis que je n'ay donq...

  • De moy elle a, et d'elle j'ay la vie,
    La vie moy ? mais, las, j'ay la mort d'elle,
    Qui toutesfois auray vengeance telle
    Que par sa mort ma mort sera suyvie :

    L'on diroit bien qu'elle a brulante envie
    De m'estre douce, autant qu'elle est rebelle,
    Car si je ris, elle rit (l'infidele)
    Et mon pleurer à pleurer la convie :

    Mais tant en vain ce...

  • Nous disons que nous sommes saiges
    Et que les femmes sont fragiles ;
    Mais Dieu qui connoist nos couraiges
    Nous voyt de vertus fort debiles,
    Et en tous vices bien abiles
    Et nous peuvent femmes reprendre
    Mieulx que ne les sarions apprendre.

    Les femmes sont moult a priser
    Plus que les hommes sans doubtance :
    Sans vouloir nully mespriser,...

  • Bien, je l'ay dit, je le confesse,
    Que nul ne te pourroit aimer
    Autant que je t'aime, Maistresse,
    Sçachant mieux qu'autre t'estimer :
    Car d'autant que je cognoy plus
    Et tes beautez et tes vertus,
    D'autant ma Francine je doy
    Mettre plus grande amour en toy.

    Un autre moins digne, peut estre,
    Du premier coup s'éblouira,
    Et ne te pouvant...

  • Durant cette saison belle
    Du renouveau gracieux,
    Lorsque tout se renouvelle
    Plein d'amour delicieux,
    Ny par la peinte prérie,
    Ny sus la haye fleurie,
    Ny dans le plus beau jardin,
    Je ne voy fleur si exquise
    Que plus qu'elle je ne prise
    La rose au parfum divin.

    Mais la blanche ne m'agrée,
    Blême de morte paleur,
    Ny la rouge...

  • Levavi oculos meos in montes.


    Sur le haut des monts, çà et là regardant,
    J'ai levé mes yeux, si secours me viendrait,
    Mon secours me vient du Seigneur, qui fit les
    Terres et les cieux.

    Il ne souffrira le Seigneur, que ton pied
    Bronche faux marchant. Il ne dormira pas
    Lui qui est ton garde : il ne dormira pas
    Non, ni ne prendra...

  • Quiconque fit d'Amour la pourtraiture,
    De cet Enfant le patron ou prit il,
    Sur qui tant bien il guida son outil
    Pour en tirer au vray ceste peinture ?

    Certe il sçavoyt l'effet de sa pointure,
    Le garnissant d'un arc non inutil :
    Bandant ses yeulx de son pinceau subtil,
    Il demonstroit nostre aveugle nature.

    Tel qu'en ton coeur, ô peintre,...

  • Ô doux plaisir plein de doux pensement,
    Quand la douceur de la douce meslée,
    Etreint et joint, l'ame en l'ame mellée,
    Le corps au corps accouplé doucement.

    Ô douce mort ! ô doux trepassement !
    Mon ame alors de grand'joye troublée,
    De moy dans toy s'ecoulant a l'emblée,
    Puis haut, puis bas, quiert son ravissement.

    Quand nous ardentz,...

  • Ô Toy par qui jour et nuit je soupire,
    De qui sans gré la superbe valeur
    Me fait languir dedans un beau malheur,
    Viendray-je point au sommet ou j'aspire ?

    S'il ne te chaut de mon mal qui s'empire,
    S'il ne te chaut d'eteindre ma douleur,
    Au moins permetz que de cette chaleur
    Par un baizer tant soit peu je respire.

    Ainsi disoy-je, et tu...

  • Quand le pilot voit le nord luire ès cieux,
    La calme mer ronfler sous la carène,
    Un doux zéphyr soufrer la voile pleine,
    Il vogue, enflant son coeur audacieux.

    Le même aussi, quand le ciel pluvieux
    Des vents félons meut l'orageuse haleine,
    Qui bat les flancs de sa nef incertaine,
    Humble, tapit sous la merci des dieux.

    Amour ainsi d'une...