Jean-Antoine de Baïf

  • Ha, que tu m'es cruelle,
    Que tu reconois mal
    Pour t'estre trop fidelle
    Tout ce que j'ay de mal !
    O rebelle endurcie,
    Quand devôt je te prie
    Me donner un baiser
    Pour rafraichir la flâme
    Qui brusle dans mon ame,
    Tu la viens rembraizer.

    Tu...

  • Un jour, quand de l'yver l'ennuieuse froidure
    S'atiedist, faisant place au printems gracieux,
    Lorsque tout rit aux champs, et que les prez joyeux
    Peingnent de belles fleurs leur riante verdure ;

    Près du Clain tortueux, sous une roche obscure,
    Un doux somme ferma...

  • Après les vents, après le triste orage,
    Après l'yver, qui de ravines d'eaux
    Avoit noyé des boeufs le labourage,

    Voicy venir les ventelets nouveaux
    Du beau printemps : desja dedans leur rive
    Se vont serrer les éclarcis ruisseaux.

    Mon Dieu, pour moy...

  • Une amoureuse ardeur,
    S'elle n'est feinte,
    Ne chasse point du coeur
    Soupçon et creinte.

    Tel est l'état d'Amour
    " Qui les liesses
    " Echange tour à tour
    " Et les tristesses.

    Plus je suis amoureux,
    Plus je soupçonne
    Que ton coeur...

  • D'Amour d'Amour je fu je fu blessé,
    Et de mon sang la liqueur goute a goute
    En chaudes pleurs hors ma playe degoute,
    Qui de couler puis le temps n'a cessé.

    Je suis d'Amour si bien interessé.
    Que peu a peu s'enfuit ma force toute,
    Et quelque onguent qu'a ma...

  • Ô ma belle rebelle,
    Las, que tu m'es cruelle !
    Ou quand d'un doux souris,
    Larron de mes espris,
    Ou quand d'une parolle
    Mignardetement molle,
    Ou quand d'un regard d'yeux
    Fierement gracieux,
    Ou quand d'un petit geste
    Tout divin, tout celeste,...

  • Helas, si tu me vois constant en inconstance
    Et changer de propos et muer de visage,
    Comme le flot d'amour me reculle ou m'avance ;

    Helas, si tu me vois varier d'heure en heure,
    De moment en moment entre raison et rage,
    Sans qu'un rien en un point un mesme je...

  • Durant l'esté, par le vergier grillé,
    Les tendres fleurs sous la nuit blandissante
    Vont redressant leur tresse fanissante,
    Qui ja pleuroyt son honneur depouillé.

    D'amour ainsi mon esprit travaillé,
    Qui ja quittoyt ma vie languissante,
    Reprit vigueur par la...

  • Francine a si bonne grace,
    Elle a si belle la face,
    Elle a les sourcis tant beaux,
    Et dessous, deux beaux flambeaux,
    De qui la clarté seréne
    Tout heur ou m'oste ou m'améne.
    La belle n'a rien de fiel,
    Elle est tout sucre et tout miel,
    Et l'aleine qu'elle...

  • Ces yeux ces yeux, doux larrons de mon ame,
    M'ont eblouy de leur belle splendeur,
    Astres fataux qui de malheur ou d'heur
    Me vont comblant au plaisir de madame.

    Au cueur d'hiver un printemps l'air embame
    Ou que tournez ilz fichent leur ardeur,
    Et quelque...