Au moins toi, claire et heureuse fontaine,
Et vous, ô eaux fraîches et argentines,
Quand celle en vous - de tout vice lointaine -
Se vient laver ses deux mains ivoirines,
Ses deux soleils, ses lèvres corallines,
De Dieu créées pour ce monde honorer,
Devriez garder pour plus vous décorer
L'image d'elle en vos liqueurs profondes.
Car plus souvent je...
-
-
Tout le repos, ô nuit, que tu me dois,
Avec le temps mon penser le dévore :
Et l'horloge est compter sur mes doigts
Depuis le soir jusqu'à la blanche Aurore.
Et sans du jour m'apercevoir encore,
Je me perds tout en si douce pensée,
Que du veiller l'âme non offensée
Ne souffre au corps sentir cette douleur
De vain espoir toujours récompensée
... -
I
Dans son jardin Vénus se reposait
Avec Amour, sa douce nourriture,
Lequel je vis, lorsqu'il se déduisait,
Et l'aperçus semblable à ma figure
Car il était de très basse stature,
Moi très petit ; lui pâle, moi transi.
Puisque pareils nous sommes donc ainsi
Pourquoi ne suis second dieu d'amitié ?
Las ! je n'ai pas l'arc et les... -
(près laquelle, jadis, habita Pétrarque)
Quiconques voit de la Sorgue profonde
L'étrange lieu, et plus étrange source,
La dit soudain grand merveille du monde,
Tant pour ses eaux que pour sa raide course.
Je tiens le lieu fort admirable, pour ce
Qu'on voit tant d'eaux d'un seul pertuis sortir,
Et en longs bras divers se départir ;
Mais encor... -
Si tu t'enquiers pourquoi sur mon tombeau
On aura mis deux éléments contraires,
Comme tu vois être le feu et l'eau
Entre éléments les deux plus adversaires :
Je t'avertis qu'ils sont très nécessaires
Pour te montrer par signes évidents
Que si en moi ont été résidents
Larmes et feu, bataille âprement rude :
Qu'après ma mort encores ci dedans
Je... -
Tant je l'aimais qu'en elle encor je vis
Et tant la vis, que malgré moi, je l'aime
Le sens, et l'âme y furent tant ravis,
Que par l'Oeil fault, que le coeur la désaime.
Est-il possible en ce degré suprême
Que fermeté son oultrepas révoque ?
Tant fut la flamme en nous deux réciproque
Que mon feu luit, quand le sien clair m'appert,
... -
Plutôt seront Rhône et Saône disjoints,
Que d'avec toi mon coeur se désassemble :
Plutôt seront l'un et l'autre mont joints,
Qu'avecques nous aucun discord s'assemble :
Plutôt verrons et toi et moi ensemble
Le Rhône aller contremont lentement,
Saône monter très violentement,
Que ce mien feu, tant soit peu, diminue,
Ni que ma foi décroisse... -
L'heureuse cendre autrefois composée
En un corps chaste, où vertu reposa,
Est en ce lieu, par les Grâces posée,
Parmi ses os, que beauté composa.
Ô terre indigne ! en toi son repos a
Le riche étui de cette âme gentille,
En tout savoir sur toute autre subtile,
Tant que les cieux, par leur trop grande envie,
Avant ses jours l'ont d'entre nous... -
Tu te verras ton ivoire crêper
Par l'outrageuse et tardive vieillesse.
Lors sans pouvoir en rien participer
D'aucune joie et humaine liesse,
Je n'aurai eu de ta verte jeunesse,
Que la pitié n'a su à soi ployer
Ni du travail qu'on m'a vu employer
A soutenir mes peines éphémères
Comme Apollon, pour mériter loyer,
Sinon rameaux et feuilles... -
Quand l'ennemi poursuit son adversaire
Si vivement qu'il le blesse ou l'abat :
Le vaincu lors pour son plus nécessaire
Fuit çà et là et crie et se débat.
Mais moi, navré par ce traître combat
De tes doux yeux, quand moins de doute avois,
Cèle mon mal ainsi, comme tu vois,
Pour te montrer à l'oeil évidemment
Que tel se tait et de langue et de voix...