• Ce soir, l'homme de la fatigue
    A regarder s'illimiter la mer,
    Sous le règne du vent despote et des éclairs,
    Les bras tombants, là-bas, s'est assis sur ma digue.

    Le vêtement des plus beaux rêves,
    L'orgueil des humaines sciences brèves,
    L'ardeur, sans plus aucun sursaut de sève,
    Tombaient, en loques, sur son corps :
    Cet homme était vêtu de...

  • I

    On dirait que le site entier sous un lissoir
    Se lustre et dans les lacs voisins se réverbère ;
    C'est l'heure où la clarté du jour d'ombres s'obère,
    Où le soleil descend les escaliers du soir.

    Une étoile d'argent lointainement tremblante,
    Lumière d'or dont on n'aperçoit le flambeau,
    Se reflète, mobile et fixe, au fond de l'eau
    Où le...

  • L'âme et le coeur si las des jours, si las des voix,
    Si las de rien, si las de tout, l'âme salie ;
    Quand je suis seul, le soir, soudainement, parfois,
    Je sens pleurer sur moi l'oeil blanc de la folie.

    Celui, si triste hélas ! qui s'en alla, là-bas,
    - Pâle oeil désenchanté de la raison méchante -
    Rêver à quelque chose, au loin, qu'on ne voit pas
    A...

  • Dreling, dreling,
    C'est la fête de tous les Saints.

    On en connaît qui sont venus,
    - dites, de quels pays d'or et d'ivoire ! -
    Depuis des temps que nul n'a retenus,
    Dans ma contrée, en sa mémoire.
    On en connaît qui sont partis de Trébizonde,
    Dieu sait par quels chemins,
    N'ayant pour seuls trésors au monde
    Que deux lys clairs, entre leurs...

  • La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
    Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas;
    Montant et dévalant les escaliers des heures,
    Les horloges, avec leurs pas ;

    Émaux naifs derrière un verre, emblèmes
    Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux;
    Lunes des corridors vides et blêmes,
    Les horloges, avec leurs yeux ;

    Sons morts, notes...

  • Dans la maison où notre amour a voulu naître,
    Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins,
    Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins
    Les roses qui nous regardent par les fenêtres.

    Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort,
    Et des heures d'été, si belles de silence,
    Que j'arrête parfois le temps qui se balance,
    Dans l'horloge...

  • Avec le même amour que tu me fus jadis
    Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis
    Ombraient les longs gazons et les roses dociles,
    Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile.

    Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté
    Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté,
    Mais tout y est serré dans une paix profonde
    Contre les vents aigus...

  • Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage,
    Avec des dents, brutal, de folie et de feu,
    Je mords en moi mon propre coeur et je l'outrage
    Et ricane, s'il tord son martyre vers Dieu.

    Là-bas, un ciel brûlé d'apothéoses vertes
    Domine un coin de mer - et des flammes de flots
    Entrent, comme parmi des blessures ouvertes,
    En des écueils troués de cris et...

  • L'hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
    Geignant sous la tempête et projetant leurs branches
    Comme de grands bras qui veulent fuir leur corps,
    Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,

    Semblent de maux obscurs les mornes recéleurs ;
    Car l'âme des pays du Nord, sombre et sauvage,
    Habite et clame en eux ses nocturnes douleurs
    Et...

  • Et ce Londres de fonte et de bronze, mon âme,
    Où des plaques de fer claquent sous des hangars,
    Où des voiles s'en vont, sans Notre-Dame
    Pour étoile, s'en vont, là-bas, vers les hasards.

    Gares de suie et de fumée, où du gaz pleure
    Ses spleens d'argent lointain vers des chemins d'éclair,
    Où des bêtes d'ennui bâillent à l'heure
    Dolente immensément, qui...