• À Madame L.D. M...

    Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
    Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
    Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
    Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

    L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,
    Et tes doigts sans vigueur ont fléchi sous les bagues.
    N'as-tu point chevauché sur la...

  • Au dedans, le silence et la paix sont profonds ;
    De froides pesanteurs descendent des plafonds,
    Et, miroirs blanchissants, des parois colossales
    Cernent de marbre nu l'isolement des salles.
    De loin en loin, et dans les dalles enchâssé,
    Un bassin de porphyre au rebord verglacé
    Courbe sa profondeur polie, où l'onde gèle ;
    Le froid durcissement a poussé...

  • Allez, vieilles amours, chimères,
    Caresses qui m'avez meurtri,
    Tourments heureux, douceurs amères,
    Abandonnez ce coeur flétri !

    Sous l'azur sombre, à tire-d'ailes,
    Dans l'espoir d'un gîte meilleur,
    Fuyez, plaintives hirondelles,
    Le nid désormais sans chaleur !

    Tout s'éteint, grâce aux jours moroses,
    Dans un tiède et terne unisson.
    ...

  • Être homme ? tu le peux. Va-t'en, guêtré de cuir,
    L'arme au poing, sur les pics, dans la haute bourrasque,
    Et suis le libre isard aussi loin qu'il peut fuir !

    Fais-toi soldat ; le front s'assainit sous le casque.
    Jeûnant pour avoir faim et peinant pour dormir,
    Sois un contrebandier dans la montagne basque !

    Mais, dans nos vils séjours, ne t'attends...

  • cueillie au printemps


    Une rose d'un mois d'avril
    Sous une étoile qui regarde
    Éveilla, malice ou mégarde,
    Mon désir pas encor viril.

    C'est ta bouche au rose grésil
    Qui fut pour ton page, Hildegarde,
    Une rose d'un mois d'avril
    Sous une étoile qui regarde.

    J'ai connu les deuils, le péril,
    Depuis, et l'angoisse hagarde !...

  • Reste. N'allume pas la lampe. Que nos yeux
    S'emplissent pour longtemps de ténèbres, et laisse
    Tes bruns cheveux verser la pesante mollesse
    De leurs ondes sur nos baisers silencieux.

    Nous sommes las autant l'un que l'autre. Les cieux
    Pleins de soleil nous ont trompés. Le jour nous blesse.
    Voluptueusement berçons notre faiblesse
    Dans l'océan du soir...

  • Deux monts plus vastes que l'Hécla
    Surplombent la pâle contrée
    Où mon désespoir s'éveilla.

    Solitude qu'un rêve crée !
    Jamais l'aube n'étincela
    Dans cette ombre démesurée.

    La nuit ! la nuit ! rien au delà !
    Seule une voix monte, éplorée ;
    Ô ténèbres, écoutez-la.

    C'est ton chant qu'emporte Borée,
    Ton chant où mon cri se...

  • Debout ! le soleil caresse nos draps.
    Que ne suis-je né près de Mytilène !
    Allons respirer l'odeur des cédrats
    Au marché qu'on tient à la Madeleine.

    J'ai rêvé d'un grand château dans la plaine.
    Nous étions (hélas ! tu me comprendras !)
    Moi, l'hôte d'un soir, vous, la châtelaine.
    Debout ! le soleil caresse nos draps.

    Nous voyagerons lorsque tu...

  • C'était un soir du mois où les grappes sont mûres,
    Et celle que je pleure était encore là.
    Muette, elle écoutait ton chant sous les ramures,
    Élégiaque oiseau des nuits, Philoméla !

    Attentive, les yeux ravis, la bouche ouverte,
    Comme sont les enfants au théâtre Guignol,
    Elle écoutait le chant sous la frondaison verte,
    Et moi je me sentis jaloux du...

  • La Seine, clair ciel à l'envers,
    S'ensoleille comme le Tage !
    Laisse éclore des menus vairs
    Tes bras, ta gorge et davantage.
    Au diable l'imbécile adage :
    " Avril. Ne quitte pas un fil. "
    Il ne sied qu'aux personnes d'âge.
    Quitte tout, ma mie, en avril !

    Quand Zéphyr dévêt des hivers
    La colline après un long stage,
    Pourquoi...