• En hiver la terre pleure ;
    Le soleil froid, pâle et doux,
    Vient tard, et part de bonne heure,
    Ennuyé du rendez-vous.

    Leurs idylles sont moroses.
    - Soleil ! aimons ! - Essayons.
    O terre, où donc sont tes roses ?
    - Astre, où donc sont tes rayons ?

    Il prend un prétexte, grêle,
    Vent, nuage noir ou blanc,
    Et dit : - C'est la nuit,...

  • Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
    De mon âme et des morts j'écoutais le concert,
    Parmi les fleurs de l'herbe et les croix de la tombe.
    Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
    Et l'ombre m'emplissait.

    Autour de moi, nombreux,
    Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
    Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
    ...

  • Âme ! être, c'est aimer.

    Il est.

    C'est l'être extrême.
    Dieu, c'est le jour sans borne et sans fin qui dit : j'aime.
    Lui, l'incommensurable, il n'a point de compas ;
    Il ne se venge pas, il ne pardonne pas ;
    Son baiser éternel ignore la morsure ;
    Et quand on dit : justice, on suppose mesure.
    Il n'est point juste ; il est. Qui n'est que...

  • Jouissez du repos que vous donne le maître.
    Vous étiez autrefois des coeurs troublés peut-être,
    Qu'un vain songe poursuit ;
    L'erreur vous tourmentait, ou la haine, ou l'envie ;
    Vos bouches, d'où sortait la vapeur de la vie,
    Étaient pleines de bruit.

    Faces confusément l'une à l'autre apparues,
    Vous alliez et veniez en foule dans les rues,
    Ne...

  • Nous sommes les proscrits ; nous habitons l'abîme ;
    Nous assistons dans l'ombre au vil bonheur d'un crime ;
    Nous regardons l'esprit vaincu par l'animal,
    Et l'infâme baiser de la fortune au mal ;
    Nous voyons des heureux qui sont des misérables ;
    Nous parlons entre nous des choses vénérables,
    De la liberté morte et du peuple trahi ;
    Nous sommes les éclairs du...

  • Denise, ton mari, notre vieux pédagogue,
    Se promène ; il s'en va troubler la fraîche églogue
    Du bel adolescent Avril dans la forêt ;
    Tout tremble et tout devient pédant, dès qu'il paraît :
    L'âne bougonne un thème au boeuf son camarade ;
    Le vent fait sa tartine, et l'arbre sa tirade,
    L'églantier verdissant, doux garçon qui grandit,
    Déclame le récit de...

  • Un lion habitait près d'une source ; un aigle
    Y venait boire aussi.
    Or, deux héros, un jour, deux rois - souvent Dieu règle
    La destinée ainsi -

    Vinrent à cette source où des palmiers attirent
    Le passant hasardeux,
    Et, s'étant reconnus, ces hommes se battirent
    Et tombèrent tous deux.

    L'aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes,...

  • Dans ce jardin antique où les grandes allées
    Passent sous les tilleuls si chastes, si voilées
    Que toute fleur qui s'ouvre y semble un encensoir,
    Où, marquant tous ses pas de l'aube jusqu'au soir,
    L'heure met tour à tour dans les vases de marbre
    Les rayons du soleil et les ombres de l'arbre,
    Anges, vous le savez, oh ! comme avec amour,
    Rêveur, je...

  • Quand l'empire romain tomba désespéré,
    - Car, ô Rome, l'abîme où Carthage a sombré
    Attendait que tu la suivisses ! -
    Quand, n'ayant rien en lui de grand qu'il n'eût brisé,
    Ce monde agonisa, triste, ayant épuisé
    Tous les Césars et tous les vices ;

    Quand il expira, vide et riche comme Tyr ;
    Tas d'esclaves ayant pour gloire de sentir
    Le pied du maître...

  • Le lion dort, seul sous sa voûte.
    Il dort de ce puissant sommeil
    De la sieste, auquel s'ajoute,
    Comme un poids sombre, le soleil.

    Les déserts, qui de loin écoutent,
    Respirent ; le maître est rentré.
    Car les solitudes redoutent
    Ce promeneur démesuré.

    Son souffle soulève son ventre ;
    Son oeil de brume est submergé,
    Il dort sur...