• Les femmes sont sur la terre
    Pour tout idéaliser ;
    L'univers est un mystère
    Que commente leur baiser.

    C'est l'amour qui, pour ceinture,
    A l'onde et le firmament,
    Et dont toute la nature,
    N'est, au fond, que l'ornement.

    Tout ce qui brille, offre à l'âme
    Son parfum ou sa couleur ;
    Si Dieu n'avait fait la femme,
    Il n'aurait pas...

  • Oh ! des champs sont fatals, des charniers sont célèbres,
    Des plaines et des mers sont sanglantes, parfois
    Des vallons ont la marque effroyable des rois,
    L'odeur des attentats, la rouille des carnages ;
    Des crimes monstrueux, comme des personnages,
    Ont passé dans des bois ou sur des monts, qu'on voit
    Avec peur, en mettant sur ses lèvres son doigt ;
    ...

  • Vois le soir qui descend calme et silencieux.
    Septentrion, delta de soleils, dans les cieux
    Écrit du nom divin la sombre majuscule ;
    Vénus, pâle, éblouit le blême crépuscule ;
    Traînant quelque branchage obscur et convulsif,
    Le bûcheron convoite en son esprit pensif
    La marmite chauffant au feu son large ventre,
    Rit, et presse le pas ; l'oiseau dort, le...

  • Enfant ! si j'étais roi, je donnerais l'empire,
    Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
    Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre,
    Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
    Pour un regard de vous !

    Si j'étais Dieu, la terre et l'air avec les ondes,
    Les anges, les démons courbés devant ma loi,
    Et le profond chaos aux entrailles...

  • Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame,
    Viens ! ne te lasse pas de mêler à ton âme
    La campagne, les bois, les ombrages charmants,
    Les larges clairs de lune au bord des flots dormants,
    Le sentier qui finit où le chemin commence,
    Et l'air et le printemps et l'horizon immense,
    L'horizon que ce monde attache humble et joyeux
    Comme une lèvre au bas...

  • Si je n'étais captive,
    J'aimerais ce pays,
    Et cette mer plaintive,
    Et ces champs de maïs,
    Et ces astres sans nombre,
    Si le long du mur sombre
    N'étincelait dans l'ombre
    Le sabre des spahis.

    Je ne suis point tartare
    Pour qu'un eunuque noir
    M'accorde ma guitare,
    Me tienne mon miroir.
    Bien loin de ces Sodomes,
    Au pays dont nous...

  • Ils gisent dans le champ terrible et solitaire.
    Leur sang fait une mare affreuse sur la terre ;
    Les vautours monstrueux fouillent leur ventre ouvert ;
    Leurs corps farouches, froids, épars sur le pré vert,
    Effroyables, tordus, noirs, ont toutes les formes
    Que le tonnerre donne aux foudroyés énormes ;
    Leur crâne est à la pierre aveugle ressemblant ;
    La...

  • Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
    On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
    On est l'homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
    On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
    On tâche d'oublier le bas, la fin, l'écueil,
    La sombre égalité du mal et du cercueil ;
    Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
    Car tous les hommes sont...

  • Ils sont les chiens de garde énormes de Paris.
    Comme nous pouvons être à chaque instant surpris,
    Comme une horde est là, comme l'embûche vile
    Parfois rampe jusqu'à l'enceinte de la ville,
    Ils sont dix-neuf épars sur les monts, qui, le soir,
    Inquiets, menaçants, guettent l'espace noir,
    Et, s'entr'avertissant dès que la nuit commence,
    Tendent leur cou de...

  • I

    L'aurore s'allume ;
    L'ombre épaisse fuit ;
    Le rêve et la brume
    Vont où va la nuit ;
    Paupières et roses
    S'ouvrent demi-closes ;
    Du réveil des choses
    On entend le bruit.

    Tout chante et murmure,
    Tout parle à la fois,
    Fumée et verdure,
    Les nids et les toits ;
    Le vent parle aux chênes,
    L'eau parle aux...