Je suis fait d'ombre et de marbre.
Comme les pieds noirs de l'arbre,
Je m'enfonce dans la nuit.
J'écoute ; je suis sous terre ;
D'en bas je dis au tonnerre :
Attends ! ne fais pas de bruit.
Moi qu'on nomme le poëte,
Je suis dans la nuit muette
L'escalier mystérieux ;
Je suis l'escalier Ténèbres ;
Dans mes spirales funèbres
...
-
-
C'était la première soirée
Du mois d'avril.
Je m'en souviens, mon adorée.
T'en souvient-il ?
Nous errions dans la ville immense,
Tous deux, sans bruit,
A l'heure où le repos commence
Avec la nuit !
Heure calme, charmante, austère,
Où le soir naît !
Dans cet ineffable mystère
Tout rayonnait,
Tout ! l'amour dans... -
On y revient ; il faut y revenir moi-même.
Ce qu'on attaque en moi, c'est mon temps, et je l'aime.
Certe, on me laisserait en paix, passant obscur,
Si je ne contenais, atome de l'azur,
Un peu du grand rayon dont notre époque est faite.
Hier le citoyen, aujourd'hui le poète ;
Le "romantique" après le "libéral". -- Allons,
Soit ; dans mes deux... -
QUATRIEME PROMENADE
Dieu ! que les monts sont beaux avec ces taches d'ombre !
Que la mer a de grâce et le ciel de clarté !
De mes jours passagers que m'importe le nombre !
Je touche l'infini, je vois l'éternité.
Orages ! passions ! taisez-vous dans mon âme !
Jamais si près de Dieu mon coeur n'a pénétré.
Le couchant me regarde avec ses yeux de... -
Les belles filles sont en fuite
Et ne savent où se cacher.
Brune et blonde, grande et petite,
Elles dansaient près du clocher ;
Une chantait, pour la cadence ;
Les garçons aux fraîches couleurs
Accouraient au bruit de la danse,
Mettant à leurs chapeaux des fleurs ;
En revenant de la fontaine,
Elles dansaient près du clocher.
J'aime... -
- Je l'aime ! Nuit, cachot sépulcral, mort vivante,
Ombre que mon sanglot ténébreux épouvante,
Solitudes du mal où fuit le grand puni,
Glaciers démesurés de l'hiver infini,
Ô flots du noir chaos qui m'avez vu proscrire,
Désespoir dont j'entends le lâche éclat de rire,
Vide où s'évanouit l'être, le temps, le lieu,
Gouffres profonds, enfers, abîmes ! j'... -
Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues!
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté !
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
... -
Ils marchaient à côté l'un de l'autre ; des danses
Troublaient le bois joyeux ; ils marchaient, s'arrêtaient,
Parlaient, s'interrompaient, et, pendant les silences,
Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.
Ils songeaient ; ces deux coeurs, que le mystère écoute,
Sur la création au sourire innocent
Penchés, et s'y versant dans l'ombre goutte à... -
Obscuritate rerum verba saepe obscurantur.
GERVASIUS TILBERIENSIS.
Amis, ne creusez pas vos chères rêveries ;
Ne fouillez pas le sol de vos plaines fleuries ;
Et quand s'offre à vos yeux un océan qui dort,
Nagez à la surface ou jouez sur le bord.
Car la pensée est sombre ! Une pente insensible
Va du monde réel à la sphère invisible ;
La... -
Oui, va prier à l'église,
Va ; mais regarde en passant,
Sous la vieille voûte grise,
Ce petit nid innocent.
Aux grands temples où l'on prie
Le martinet, frais et pur,
Suspend la maçonnerie
Qui contient le plus d'azur.
La couvée est dans la mousse
Du portail qui s'attendrit;
Elle sent la chaleur douce
Des ailes de Jésus-Christ....