• La nature est pleine d'amour,
    Jeanne, autour de nos humbles joies ;
    Et les fleurs semblent tour à tour
    Se dresser pour que tu les voies.

    Vive Angélique ! à bas Orgon !
    L'hiver, qu'insultent nos huées,
    Recule, et son profil bougon
    Va s'effaçant dans les nuées.

    La sérénité de nos coeurs,
    Où chantent les bonheurs sans nombre,
    ...

  • Je veille. Ne crains rien. J'attends que tu t'endormes.
    Les anges sur ton front viendront poser leurs bouches.
    Je ne veux pas sur toi d'un rêve ayant des formes
    Farouches ;

    Je veux qu'en te voyant là, ta main dans la mienne,
    Le vent change son bruit d'orage en bruit de lyre.
    Et que sur ton sommeil la sinistre nuit vienne
    Sourire.

    Le poète est...

  • Mais les enfants sont là. Le murmure qui sort
    De ces âmes en fleur est-il compris du sort ?
    L'enfant va devant lui gaîment ; mais la prière,
    Quand il rit, parle-t-elle à quelqu'un en arrière ?
    Le frais chuchotement du doux être enfantin
    Attendrit-il l'oreille obscure du destin ?
    Oh ! que d'ombre ! Tous deux chantent, fragiles têtes
    Où flotte la lueur d'on ne...

  • Le brouillard est froid, la bruyère est grise ;
    Les troupeaux de boeufs vont aux abreuvoirs ;
    La lune, sortant des nuages noirs,
    Semble une clarté qui vient par surprise.

    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.

    Le voyageur marche et la lande est brune ;
    Une ombre est derrière, une ombre est devant ;
    ...

  • TROISIEME PROMENADE

    Le soleil déclinait ; le soir prompt à le suivre
    Brunissait l'horizon ; sur la pierre d'un champ
    Un vieillard, qui n'a plus que peu de temps à vivre,
    S'était assis pensif, tourné vers le couchant.

    C'était un vieux pasteur, berger dans la montagne,
    Qui jadis, jeune et pauvre, heureux, libre et sans lois,
    A l'heure où le mont...

  • J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
    Parce qu'on les hait ;
    Et que rien n'exauce et que tout châtie
    Leur morne souhait ;

    Parce qu'elles sont maudites, chétives,
    Noirs êtres rampants ;
    Parce qu'elles sont les tristes captives
    De leur guet-apens ;

    Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
    Ô sort ! fatals noeuds !
    Parce que l'ortie...

  • Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
    Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
    Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
    Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
    Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
    Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
    C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
    C'est le...

  • J'allais au Luxembourg rêver, ô temps lointain,
    Dès l'aurore, et j'étais moi-même le matin.
    Les nids dialoguaient tout bas, et les allées
    Désertes étaient d'ombre et de soleil mêlées ;
    J'étais pensif, j'étais profond, j'étais niais.
    Comme je regardais et comme j'épiais !
    Qui ? La Vénus, l'Hébé, la nymphe chasseresse.
    Je sentais du printemps l'invisible...

  • Je n'ai pas de palais épiscopal en ville,
    Je n'ai pas de prébende et de liste civile,
    Nul temple n'offre un trône à mon humilité,
    Nul suisse en colonel ne brille à mon côté,
    Je ne me montre pas aux gros yeux des ganaches
    Sous un dais, à ses coins ayant quatre panaches ;
    La France, même au fond de l'abîme, est pour moi
    Le grand peuple en travail d'où...

  • La tombe dit à la rose :
    - Des pleurs dont l'aube t'arrose
    Que fais-tu, fleur des amours ?
    La rose dit à la tombe :
    - Que fais-tu de ce qui tombe
    Dans ton gouffre ouvert toujours ?

    La rose dit : - Tombeau sombre,
    De ces pleurs je fais dans l'ombre
    Un parfum d'ambre et de miel.
    La tombe dit : - Fleur plaintive,
    De chaque âme qui m'...