• Dans ta haute demeure
    Dont l'air est étouffant,
    De l'accent dont on pleure
    Tu chantes, douce enfant.

    Tu chantes, jeune fille.
    Ton père, c'est le roi.
    Autour de toi tout brille,
    Mais tout soupire en toi.

    Pense, mais sans rien dire ;
    Aimer t'est défendu ;
    Doux être, ton sourire
    En naissant s'est perdu.

    Tu te...

  • Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
    Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.
    Premier mai ! l'amour gai, triste, brûlant, jaloux,
    Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
    L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise,
    La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ;
    Les vieux antres pensifs, dont rit le geai...

  • Je la revois, après vingt ans, l'île où Décembre
    Me jeta, pâle naufragé.
    La voilà ! c'est bien elle. Elle est comme une chambre
    Où rien encor n'est dérangé.

    Oui, c'était bien ainsi qu'elle était ; il me semble
    Qu'elle rit, et que j'aperçois
    Le même oiseau qui fuit, la même fleur qui tremble,
    La même aurore dans les bois ;

    Il me semble...

  • On vit, on parle, on a le ciel et les nuages
    Sur la tête ; on se plaît aux livres des vieux sages ;
    On lit Virgile et Dante ; on va joyeusement
    En voiture publique à quelque endroit charmant,
    En riant aux éclats de l'auberge et du gîte ;
    Le regard d'une femme en passant vous agite ;
    On aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois !
    On écoute le chant...

  • Sara, belle d'indolence,
    Se balance
    Dans un hamac, au-dessus
    Du bassin d'une fontaine
    Toute pleine
    D'eau puisée à l'Ilyssus ;

    Et la frêle escarpolette
    Se reflète
    Dans le transparent miroir,
    Avec la baigneuse blanche
    Qui se penche,
    Qui se penche pour se voir.

    Chaque fois que la nacelle,
    Qui chancelle,
    Passe à...

  • Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire !
    Toute l'ombre est livrée à l'immense colère.
    Coups de foudre, bruits sourds. Pâles, nous écoutons.
    Le supplice imbécile et noir frappe à tâtons.
    Rien de divin ne luit. Rien d'humain ne surnage.
    Le hasard formidable erre dans le carnage,
    Et mitraille un troupeau de vaincus, sans savoir
    S'ils croyaient...

  • La nuit morne tombait sur la morne étendue.

    Le vent du soir soufflait, et, d'une aile éperdue,
    Faisait fuir, à travers les écueils de granit,
    Quelques voiles au port, quelques oiseaux au nid.

    Triste jusqu'à la mort, je contemplais le monde.
    Oh ! que la mer est vaste et que l'âme est profonde !

    Saint-Michel surgissait, seul sur les flots amers...

  • Dieu prit sa plus molle argile
    Et son plus pur kaolin,
    Et fit un bijou fragile,
    Mystérieux et câlin.

    Il fit le doigt de la femme,
    Chef-d'oeuvre auguste et charmant,
    Ce doigt fait pour toucher l'âme
    Et montrer le firmament.

    Il mit dans ce doigt le reste
    De la lueur qu'il venait
    D'employer au front céleste
    De l'heure où l...

  • Je prendrai par la main les deux petits enfants ;
    J'aime les bois où sont les chevreuils et les faons,
    Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches
    Et se dressent dans l'ombre effrayés par les branches ;
    Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur
    Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur.
    Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent...

  • Ô toi d'où me vient ma pensée,
    Sois fière devant le Seigneur !
    Relève ta tête abaissée,
    Ô toi d'où me vient mon bonheur !

    Quand je traverse cette lieue
    Qui nous sépare, au sein des nuits,
    Ta patrie étoilée et bleue
    Rayonne à mes yeux éblouis.

    C'est l'heure où cent lampes en flammes
    Brillent aux célestes plafonds ;
    L'heure où...