• À Théodore de Banville.

    L'Enfer brûle, brûle, brûle.
    Ricaneur au timbre clair,
    Le Diable rôde et circule.

    Il guette, avance ou recule
    En zigzags, comme l'éclair ;
    L'Enfer brûle, brûle, brûle.

    Dans le bouge et la cellule,
    Dans les caves et dans l'air
    Le Diable rôde et circule.

    Il se fait fleur, libellule,
    ...

  • Dans sa forge aux murs bas d'où le jour va s'enfuir.
    Haut, roide, et sec du cou, des jambes et du buste,
    Il tire, mécanique, en tablier de cuir,
    La chaîne d'acier clair du grand soufflet robuste.

    Il regarde fourcher, rougeoyer et bleuir
    Les langues de la flamme en leur fourneau tout fruste,
    Et voici que des glas tintent sinistres... juste :
    Le...

  • Brûlé par l'énorme lumière
    Irradiant du ciel caillé,
    - Stupéfait, recroquevillé,
    Hâlé, sali par la poussière,

    Le pauvre paysage mort
    Se ranime à l'heure nocturne,
    Et puis, murmurant taciturne,
    Extasié, rêve et s'endort.

    La bonne ombre le rafraîchit ;
    Et toute propre resurgit
    Sa mélancolique peinture.

    Avec l'aurore...

  • Arqué haut sur les monts et d'un bleu sans nuages
    Qu'un triomphant soleil embrase éblouissant,
    Le ciel, par la vallée où la chaleur descend,
    Anime, en plein hiver, la mort des paysages.

    Il semble qu'ici, là, la mouche revoltige,
    Tourne dans la poussière ardente du rayon ;
    On va voir le martin-pêcheur, le papillon,
    L'un raser le ruisseau, l'autre...

  • On voit ce grand fond de vallée
    Fuligineux sous les cieux ronds :
    Là, terrain, herbes, rameaux, troncs,
    Toute une forêt fut brûlée !

    D'elle, si verte et si peuplée,
    Qui, si fière, portait son front,
    Narguait le vent, raillait l'affront
    Du tonnerre et de la gelée,

    Il reste la place... raclée,
    Croupissante et noire, meublée
    D'un...

  • La solitude est bien l'hôtesse
    Qui convient à ce lac profond :
    Son saule unique et lui se font
    Le vis-à-vis de la tristesse.

    Immobiles ou se mouvant
    Ils joignent leurs mélancolies,
    Par les froidures, sous les pluies,
    Dans le soleil et dans le vent.

    Ils échangent même en secret
    Ce qui les charme ou les distrait.
    L'arbre a des...

  • Il fait un froid noir et tout gèle :
    Abreuvoir, écluse et ruisseau.
    Tous les puits, à l'endroit du seau,
    Ont de la glace à leur margelle.

    C'est pourquoi, vite, après la classe,
    Les enfants viennent, à grands cris,
    Glisser sur l'étang si bien pris
    Qu'ils ne craignent pas que ça casse.

    En tas, casquettes sans visière,
    Bérets...

  • Le cabaret qui n'est pas neuf
    Est bondé des plus vieux ivrognes
    Dont rouge brique sont les trognes
    Entre les grands murs sang de boeuf.
    L'un d'entre eux, chenu comme un oeuf,
    D'une main sur la table cogne,
    Et, son verre dans l'autre, il grogne :
    " Aussi vrai que j'suis d'Châteauneuf !
    J'reste un bon coq, et l'diab' me rogne !
    Je r'prendrais...

  • Lorsque la pluie, ainsi qu'un immense écheveau
    Brouillant à l'infini ses longs fils d'eau glacée,
    Tombe d'un ciel funèbre et noir comme un caveau
    Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

    J'abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
    Sur le macadam, sur les pavés, sur l'asphalte,
    Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
    Je marche à pas...

  • Par ce temps si bénin, après tant de froidure,
    Dans les grands terrains gris, sur les coteaux chenus,
    On a l'impression parmi ces arbres nus
    D'un très beau jour d'été sans fleurs et sans verdure.

    Les pieds ne glissent plus sur la terre moins dure
    Où les feux du soleil, presque tous revenus,
    Allument cailloux, rocs, sable et gazons menus.
    Dans l'...