• Celui-ci vivra, vainqueur de l'oubli,
    Par les Dieux heureux !
    Sa main sûre et fine
    A fait onduler sur l'onyx poli
    L'écume marine.

    Avec le soleil, douce, aux yeux surpris,
    Telle qu'une jeune et joyeuse reine,
    On voit émerger mollement Kypris
    De la mer sereine.

    La Déesse est nue et pousse en nageant
    De ses roses seins l'onde...

  • Quand le Nazaréen, en croix, les mains clouées,
    Sentit venir son heure et but le vin amer,
    Plein d'angoisse, il cria vers les sourdes nuées,
    Et la sueur de sang ruissela de sa chair.

    Mais dans le ciel muet de l'infâme colline
    Nul n'ayant entendu ce lamentable cri,
    Comme un dernier sanglot soulevait sa poitrine,
    L'homme désespéré courba son front...

  • Une rose lueur s'épand par les nuées ;
    L'horizon se dentelle, à l'Est, d'un vif éclair ;
    Et le collier nocturne, en perles dénouées,
    S'égrène et tombe dans la mer.

    Toute une part du ciel se vêt de molles flammes
    Qu'il agrafe à son faîte étincelant et bleu.
    Un pan traîne et rougit l'émeraude des lames
    D'une pluie aux gouttes de feu.

    Des...

  • Le vent d'automne, aux bruits lointains des mers pareil,
    Plein d'adieux solennels, de plaintes inconnues,
    Balance tristement le long des avenues
    Les lourds massifs rougis de ton sang, ô soleil !

    La feuille en tourbillons s'envole par les nues ;
    Et l'on voit osciller, dans un fleuve vermeil,
    Aux approches du soir inclinés au sommeil,
    De grands nids...

  • O brises flottantes des cieux,
    Du beau Printemps douces haleines,
    Qui de baisers capricieux
    Caressez les monts et les plaines !

    Vierges, filles d'Eole, amantes de la paix,
    La Nature éternelle à vos chansons s'éveille ;
    Et la Dryade assise aux feuillages épais
    Verse aux mousses les pleurs de l'Aurore vermeille.

    Effleurant le cristal des eaux...

  • Un soir d'été, dans l'air harmonieux et doux,
    Dorait les épaisses ramures ;
    Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres,
    Le long des frênes et des houx.

    O rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes,
    Coeurs d'or rendant le même son,
    Vous écoutiez en vous la divine chanson
    Que la vie emplit de mensonges.

    Ravis, la joue en fleur, l'...

  • L'Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
    Qu'un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
    Tout n'est qu'ombre et fumée. Et le monde est très vieux,
    Et le néant de vivre emplit la tombe noire.

    Par les antiques nuits, à la face des cieux,
    Du sommet de sa tour comme d'un promontoire,
    Dans le silence, au loin laissant planer ses yeux,
    Sombre...

  • Sur la luzerne en fleur assise,
    Qui chante dès le frais matin ?
    C'est la fille aux cheveux de lin,
    La belle aux lèvres de cerise.

    L'amour, au clair soleil d'été,
    Avec l'alouette a chanté.

    Ta bouche a des couleurs divines,
    Ma chère, et tente le baiser !
    Sur l'herbe en fleur veux-tu causer,
    Fille aux cils longs, aux boucles fines ?
    ...

  • Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
    Mille braves sont là qui dorment sans tombeaux,
    L'épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
    Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.

    La lune froide verse au loin sa pâle flamme.
    Hialmar se soulève entre les morts sanglants,
    Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame.
    La pourpre du...

  • Quand le Bédouin qui va de l'Horeb en Syrie
    Lie au tronc du dattier sa cavale amaigrie,
    Et, sous l'ombre poudreuse où sèche le fruit mort,
    Dans son rude manteau s'enveloppe et s'endort,
    Revoit-il, faisant trêve aux ardentes fatigues,
    La lointaine oasis où rougissent les figues,
    Et l'étroite vallée où campe sa tribu,
    Et la source courante où ses lèvres ont...