• Du roi Phrygien la fille rebelle
    Fut en noir rocher changée autrefois ;
    La fière Prokné devint hirondelle,
    Et d'un vol léger s'enfuit dans les bois.
    Pour moi, que ne suis-je, ô chère maîtresse,
    Le miroir heureux de te contempler,
    Le lin qui te voile et qui te caresse,
    L'eau que sur ton corps le bain fait couler,
    Le réseau charmant qui contient...

  • C'était l'heure où l'oiseau, sous les vertes feuillées,
    Repose, où tout s'endort, les hommes et les Dieux.
    Du tranquille Sommeil les ailes déployées
    Pâlissaient le ciel radieux.

    Sur les algues du bord, liée au câble rude,
    Argô ne lavait plus sa proue aux flots amers,
    Et les guerriers épars, rompus de lassitude,
    Songeaient, sur le sable des mers....

  • Sous l'herbe haute et sèche où le naja vermeil
    Dans sa spirale d'or se déroule au soleil,
    La bête formidable, habitante des jungles,
    S'endort, le ventre en l'air, et dilate ses ongles.
    De son mufle marbré qui s'ouvre, un souffle ardent
    Fume ; la langue rude et rose va pendant ;
    Et sur l'épais poitrail, chaud comme une fournaise,
    Passe par intervalle un...

  • Le vent froid de la nuit souffle à travers les branches
    Et casse par moments les rameaux desséchés ;
    La neige, sur la plaine où les morts sont couchés,
    Comme un suaire étend au loin ses nappes blanches.

    En ligne noire, au bord de l'étroit horizon,
    Un long vol de corbeaux passe en rasant la terre,
    Et quelques chiens, creusant un tertre solitaire,
    ...

  • Par-delà l'escalier des roides Cordillières,
    Par-delà les brouillards hantés des aigles noirs,
    Plus haut que les sommets creusés en entonnoirs
    Où bout le flux sanglant des laves familières,
    L'envergure pendante et rouge par endroits,
    Le vaste Oiseau, tout plein d'une morne indolence,
    Regarde l'Amérique et l'espace en silence,
    Et le sombre soleil qui meurt...

  • Les plaines de la mer, immobiles et nues,
    Coupent d'un long trait d'or la profondeur des nues.
    Seul, un rose brouillard, attardé dans les cieux,
    Se tord languissamment comme un grêle reptile
    Au faîte dentelé des monts silencieux.
    Un souffle lent, chargé d'une ivresse subtile,
    Nage sur la savane et les versants moussus
    Où les taureaux aux poils lustrés, aux...

  • Il est un jour, une heure, où dans le chemin rude,
    Courbé sous le fardeau des ans multipliés,
    L'Esprit humain s'arrête, et, pris de lassitude,
    Se retourne pensif vers les jours oubliés.

    La vie a fatigué son attente inféconde ;
    Désabusé du Dieu qui ne doit point venir,
    Il sent renaître en lui la jeunesse du monde ;
    Il écoute ta voix, ô sacré Souvenir...

  • Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélier
    Effondré tout un jour le flanc des promontoires,
    Escaladé par bonds leur fumant escalier,
    Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier,
    Le frisson écumeux des longues houles noires.
    Un vent frais, aujourd'hui, palpite sur les eaux,
    La beauté du soleil monte et les illumine,
    Et vers l'horizon pur où...

  • (Études latines, XI)

    Plus de neiges aux prés. La Nymphe nue et belle
    Danse sur le gazon humide et parfumé ;
    Mais la mort est prochaine ; et, nous touchant de l'aile,
    L'heure emporte ce jour aimé.

    Un vent frais amollit l'air aigu de l'espace ;
    L'été brûle ; et voici, de ses beaux fruits chargé,
    L'Automne au front pourpré ; puis l'Hiver, et tout...

  • Par la chaîne d'or des étoiles vives
    La Lampe du ciel pend du sombre azur
    Sur l'immense mer, les monts et les rives.
    Dans la molle paix de l'air tiède et pur.
    Bercée au soupir des houles pensives,
    La Lampe du ciel pend du sombre azur
    Par la chaîne d'or des étoiles vives.

    Elle baigne, emplit l'horizon sans fin
    De l'enchantement de sa clarté...