• Le ciel est clair. La barque a glissé sur les sables.
    Les vergers sont fleuris et le givre argentin
    N'irise plus les prés au soleil du matin.
    Les boeufs et le bouvier désertent les étables.

    Tout renaît. Mais la Mort et ses funèbres fables
    Nous pressent, et, pour toi, seul le jour est certain
    Où les dés renversés en un libre festin
    Ne t'assigneront...

  • Las de poursuivre en vain l'Ophir insaisissable,
    Tu fondas, en un pli de ce golfe enchanté
    Où l'étendard royal par tes mains fut planté,
    Une Carthage neuve au pays de la Fable.

    Tu voulais que ton nom ne fût point périssable,
    Et tu crus l'avoir bien pour toujours cimenté
    A ce mortier sanglant dont tu fis ta cité ;
    Mais ton espoir, soldat, fut bâti...

  • Olim truncus eram ficulnus.
    HORACE.

    A Paul Arène.

    N'approche pas ! Va-t'en ! Passe au large, Étranger !
    Insidieux pillard, tu voudrais, j'imagine,
    Dérober les raisins, l'olive ou l'aubergine
    Que le soleil mûrit à l'ombre du verger ?

    J'y veille. A coups de serpe, autrefois, un berger
    M'a taillé dans le tronc d'un dur figuier d'Égine...

  • A Emmanuel Lansyer.

    Il a compris la race antique aux yeux pensifs
    Qui foule le sol dur de la terre bretonne,
    La lande rase, rose et grise et monotone
    Où croulent les manoirs sous le lierre et les ifs.

    Des hauts talus plantés de hêtres convulsifs,
    Il a vu, par les soirs tempétueux d'automne,
    Sombrer le soleil rouge en la mer qui moutonne ;...

  • L'ivoire est ciselé d'une main fine et telle
    Que l'on voit les forêts de Colchide et Jason
    Et Médée aux grands yeux magiques. La Toison
    Repose, étincelante, au sommet d'une stèle.

    Auprès d'eux est couché le Nil, source immortelle
    Des fleuves, et, plus loin, ivres du doux poison,
    Les Bacchantes, d'un pampre à l'ample frondaison,
    Enguirlandent le joug des...

  • La mousse fut pieuse en fermant ses yeux mornes ;
    Car, dans ce bois inculte, il chercherait en vain
    La Vierge qui versait le lait pur et le vin
    Sur la terre au beau nom dont il marqua les bornes.

    Aujourd'hui le houblon, le lierre et les viornes
    Qui s'enroulent autour de ce débris divin,
    Ignorant s'il fut Pan, Faune, Hermès ou Silvain,
    A son front...

  • L'aube d'un jour sinistre a blanchi les hauteurs.
    Le camp s'éveille. En bas roule et gronde le fleuve
    Où l'escadron léger des Numides s'abreuve.
    Partout sonne l'appel clair des buccinateurs.

    Car malgré Scipion, les augures menteurs,
    La Trebbia débordée, et qu'il vente et qu'il pleuve,
    Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve,
    A fait lever la hache et...

  • Le semoir, la charrue, un joug, des socs luisants,
    La herse, l'aiguillon et la faulx acérée
    Qui fauchait en un jour les épis d'une airée,
    Et la fourche qui tend la gerbe aux paysans ;

    Ces outils familiers, aujourd'hui trop pesants,
    Le vieux Parmis les voue à l'immortelle Rhée
    Par qui le germe éclôt sous la terre sacrée.
    Pour lui, sa tâche est faite ; il...

  • Pour que le compagnon des Naïades se plaise
    A rendre la brebis agréable au bélier
    Et qu'il veuille par lui sans fin multiplier
    L'errant troupeau qui broute aux berges du Galèse ;

    Il faut lui faire fête et qu'il se sente à l'aise
    Sous le toit de roseaux du pâtre hospitalier ;
    Le sacrifice est doux au Démon familier
    Sur la table de marbre ou sur un bloc...

  • Le choc avait été très rude. Les tribuns
    Et les centurions, ralliant les cohortes,
    Humaient encor dans l'air où vibraient leurs voix fortes
    La chaleur du carnage et ses âcres parfums.

    D'un oeil morne, comptant leurs compagnons défunts,
    Les soldats regardaient, comme des feuilles mortes,
    Au loin, tourbillonner les archers de Phraortes ;
    Et la sueur...