• L'âcre senteur des bois montant de toutes parts,
    Chasseresse, a gonflé ta narine élargie,
    Et, dans ta virginale et virile énergie,
    Rejetant tes cheveux en arrière, tu pars !

    Et du rugissement des rauques léopards
    Jusqu'à la nuit tu fais retentir Ortygie,
    Et bondis à travers la haletante orgie
    Des grands chiens éventrés sur l'herbe rouge épars.
    ...

  • Ecce villicus Venit...
    CATULLE.

    Holà, maudits enfants ! Gare au piège, à la trappe,
    Au chien ! Je ne veux plus, moi qui garde ce lieu,
    Qu'on vienne, sous couleur d'y quérir un caïeu
    D'ail, piller mes fruitiers et grappiller ma grappe.

    D'ailleurs, là-bas, du fond des chaumes qu'il étrape,
    Le colon vous épie, et, s'il vient, par mon pieu !...

  • Ce soir, au réduit sombre où ronfle l'athanor,
    Le grand feu prisonnier de la brique rougie
    Exalte son ardeur et souffle sa magie
    Au cuivre que l'émail fait plus riche que l'or.

    Et sous mes pinceaux naît, vit, court et prend l'essor
    Le peuple monstrueux de la mythologie,
    Les Centaures, Pan, Sphinx, la Chimère, l'Orgie
    Et, du sang de Gorgo, Pégase...

  • Vieux Maître Relieur, l'or que tu ciselas
    Au dos du livre et dans l'épaisseur de la tranche
    N'a plus, malgré les fers poussés d'une main franche,
    La rutilante ardeur de ses premiers éclats.

    Les chiffres enlacés que liait l'entrelacs
    S'effacent chaque jour de la peau fine et blanche ;
    A peine si mes yeux peuvent suivre la branche
    De lierre que tu...

  • A Gustave Moreau.

    En un calme enchanté, sous l'ample frondaison
    De la forêt, berceau des antiques alarmes,
    Une aube merveilleuse avivait de ses larmes,
    Autour d'eux, une étrange et riche floraison.

    Par l'air magique où flotte un parfum de poison,
    Sa parole semait la puissance des charmes ;
    Le Héros la suivait et sur ses belles armes
    Secouait...

  • L'homme a conquis la terre ardente des lions
    Et celle des venins et celle des reptiles,
    Et troublé l'Océan où cinglent les nautiles
    Du sillage doré des anciens galions.

    Mais plus loin que la neige et que les tourbillons
    Du Ström et que l'horreur des Spitzbergs infertiles,
    Le Pôle bat d'un flot tiède et libre des îles
    Où nul marin n'a pu hisser ses...

  • La Vierge Céphéenne, hélas ! encor vivante,
    Liée, échevelée, au roc des noirs îlots,
    Se lamente en tordant avec de vains sanglots
    Sa chair royale où court un frisson d'épouvante.

    L'Océan monstrueux que la tempête évente
    Crache à ses pieds glacés l'âcre bave des flots,
    Et partout elle voit, à travers ses cils clos,
    Bâiller la gueule glauque, innombrable...

  • Vous sortiez de l'église et, d'un geste pieux,
    Vos nobles mains faisaient l'aumône au populaire,
    Et sous le porche obscur votre beauté si claire
    Aux pauvres éblouis montrait tout l'or des cieux.

    Et je vous saluai d'un salut gracieux,
    Très humble, comme il sied à qui ne veut déplaire,
    Quand, tirant votre mante et d'un air de colère
    Vous détournant...

  • Voici le soir. Au ciel passe un vol de pigeons.
    Rien ne vaut pour charmer une amoureuse fièvre,
    Ô chevrier, le son d'un pipeau sur la lèvre
    Qu'accompagne un bruit frais de source entre les joncs.

    A l'ombre du platane où nous nous allongeons
    L'herbe est plus molle. Laisse, ami, l'errante chèvre,
    Sourde aux chevrotements du chevreau qu'elle sèvre,
    ...

  • La myrrhe a parfumé leurs membres assouplis ;
    Elles rêvent, goûtant la tiédeur de décembre,
    Et le brasier de bronze illuminant la chambre
    Jette la flamme et l'ombre à leurs beaux fronts pâlis.

    Aux coussins de byssus, dans la pourpre des lits,
    Sans bruit, parfois un corps de marbre rose ou d'ambre
    Ou se soulève à peine ou s'allonge ou se cambre ;
    ...