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    L’absence ni le temps ne sont quand on aime
    MUSSET

    L’absence ni le temps ! Et cependant c’était ―
    Nous le sentions déjà ― c’était la fin du songe ;
    Mais sans nous avouer que le beau vers mentait
    Nous nous laissions charmer par cet heureux mensonge.

    L’absence, mort vivante ! Oh ! la pire des morts !
    Être mort l’un pour l’autre...

  • Ô champs paternels hérissés de charmilles
    Où glissent le soir des flots de jeunes filles !
     
    Ô frais pâturage où de limpides eaux
    Font bondir la chèvre et chanter les roseaux !
     
    Ô terre natale ! à votre nom que j’aime,
    Mon âme s’en va toute hors d’elle-même ;
     
    Mon âme se prend à chanter sans effort ;
    À pleurer aussi, tant mon amour...

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    Il est minuit bientôt et je ne puis dormir,
    Car mes soucis cuisants je ne peux les chasser.
    Que serai-je ? Que va devenir ma patrie ?
    Cette double question me ronge toujours l’âme.
    N’ai-je donc pas assez de mes propres soucis
    Que tu m’agites, encor, amour de la patrie ?

    Toujours ce sera donc le destin du poète
    De ramer malgré tout sur la mer...

  • Le vent triste souffle dans le parc,
    comme dans un livre que je lus enfant,
    où une écolière perdue était hagarde.
                                    Le vent.

    Il va casser, peut-être, le tulipier.
    Il fait voir le dessous des feuilles blanc
    du vernis du Japon qu’il semble essuyer,
                                    Le vent.

    Le baromètre est descendu...

  • Une aube pâle emplit le ciel triste ; le Rêve,
    Comme un grand voile d'or, de la terre se lève.

    Avec l'âme des roses d'hier,
    Lentement montent dans les airs
    Comme des ailes étendues,
    Comme des pieds nus et très doux,
    Qui se séparent de la terre,
    Dans le grand silence à genoux.

    L'âme chantante d'Ève expire,
    Elle s'éteint dans la...

  • Pourquoi gémis-tu sans cesse,
    O mon âme ? réponds-moi !
    D'où vient ce poids de tristesse
    Qui pèse aujourd'hui sur toi ?
    Au tombeau qui nous dévore,
    Pleurant, tu n'as pas encore
    Conduit tes derniers amis !
    L'astre serein de ta vie
    S'élève encore; et l'envie
    Cherche pourquoi tu gémis !

    La terre encore a des plages,
    Le ciel encore a des...

  • ... J'ai vécu ; c'est-à-dire à moi-même inconnu
    Ma mère en gémissant m'a jeté faible et nu ;
    J'ai compté dans le ciel le coucher et l'aurore
    D'un astre qui descend pour remonter encore,
    Et dont l'homme, qui s'use à les compter en vain,
    Attend, toujours trompé, toujours un lendemain ;
    Mon âme a, quelques jours, animé de sa vie
    Un peu de cette fange à...

  • La neige est triste. Sous la cruelle avalanche
    Les gueux, les va-nu-pieds, s'en vont tout grelottants.
    Oh ! le sinistre temps, oh ! l'implacable temps
    Pour qui n'a point de feu, ni de pain sur la planche !

    Les carreaux sont cassés, la ports se déclenche,
    La neige par des trous entre avec les autans...
    Des enfants, mal langés dans de pauvres tartans,...

  • I

    Que m'importe que tu sois sage ?
    Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
    Ajoutent un charme au visage,
    Comme le fleuve au paysage ;
    L'orage rajeunit les fleurs.

    Je t'aime surtout quand la joie
    S'enfuit de ton front terrassé ;
    Quand ton coeur dans l'horreur se noie ;
    Quand sur ton présent se déploie
    Le nuage affreux du passé....

  • I' bruinait... L'temps était gris,
    On n'voyait pus l'ciel... L'atmosphère,
    Semblant suer au d'ssus d'Paris,
    Tombait en bué' su' la terre.

    I' soufflait quéqu'chose... on n'sait d'où,
    C'était ni du vent ni d'la bise,
    Ça glissait entre l'col et l'cou
    Et ça glaçait sous not' chemise.

    Nous marchions d'vant nous, dans l'brouillard,
    On...