• Oh ! ces villes, par l'or putride envenimées !
    Clameurs de pierre et vols et gestes de fumées,
    Dômes et tours d'orgueil et colonnes debout
    Dans l'espace qui vibre et le travail qui bout,
    En aimas-tu l'effroi et les affres profondes
    O toi, le voyageur
    Qui t'en allais triste et songeur
    Par les gares de feu qui ceinturent le monde ?

    Cahots et bonds...

  • Groupes de travailleurs, fiévreux et haletants,
    Qui vous dressez et qui passez au long des temps
    Avec le rêve au front des utiles victoires,
    Torses carrés et durs, gestes précis et forts,
    Marches, courses, arrêts, violences, efforts,
    Quelles lignes fières de vaillance et de gloire
    Vous inscrivez tragiquement dans ma mémoire !
    Je vous aime, gars des pays...

  • En ce rugueux hiver où le soleil flottant
    S'échoue à l'horizon comme une lourde épave,
    J'aime à dire ton nom au timbre lent et grave
    Quand l'horloge résonne aux coups profonds du temps.

    Et plus je le redis, plus ma voix est ravie
    Si bien que de ma lèvre, il descend dans mon coeur,
    Et qu'il réveille en moi un plus ardent bonheur
    Que les mots les...

  • Lorsque ta main confie, un soir des mois torpides,
    Au cellier odorant les fruits de ton verger,
    Il me semble te voir avec calme ranger
    Nos anciens souvenirs parfumés et sapides.

    Et le goût m'en revient tel qu'il passa jadis
    Dans l'or et le soleil et le vent - sur mes lèvres ;
    Et je revis alors mille instants abolis
    Et leur joie et leur rire et...

  • Depuis l'été que se brisa sur elle
    Le dernier coup d'éclair et de tonnerre,
    Le silence n'est point sorti
    De la bruyère.

    Autour de lui, là-bas, les clochers droits
    Secouent leur cloche, entre leurs doigts,
    Autour de lui, rôdent les attelages,
    Avec leur charge à triple étage,
    Autour de lui, aux lisières des sapinières,
    Grince la roue en son...

  • Le vieux meunier du moulin noir,
    On l'enterra, l'hiver, un soir
    De froid rugueux, de bise aiguë
    En un terrain de cendre et de ciguës.

    Le jour dardait sa clarté fausse
    Sur la bêche du fossoyeur ;
    Un chien errait près de la fosse,
    L'aboi tendu vers la lueur.
    La bêche, à chacune des pelletées,
    Telle un miroir se déplaçait,
    Luisait,...

  • Très doucement, plus doucement encore,
    Berce ma tête entre tes bras,
    Mon front fiévreux et mes yeux las ;
    Très doucement, plus doucement encore.
    Baise mes lèvres, et dis-moi
    Ces mots plus doux à chaque aurore,
    Quand me les dit ta voix,
    Et que tu t'es donnée, et que je t'aime encore

    Le joug surgit maussade et lourd ; la nuit
    Fut de gros rêves...

  • Avec colère, avec détresse,
    Avec ses refrains de quadrilles,
    Qui sautèlent sur leurs béquilles,
    L'orgue canaille et lourd,
    Au fond du bourg,
    Moud la kermesse.

    Quelques étaux au coin des bornes,
    Et quelques vieilles gens,
    Au seuil d'un portail morne.

    Avec colère, avec détresse, avec blasphème,
    Mais, vers la fête,
    Quand même,...

  • Ô le calme jardin d'été où rien ne bouge !
    Sinon là-bas, vers le milieu
    De l'étang clair et radieux,
    Pareils à des langues de feu,
    Des poissons rouges.

    Ce sont nos souvenirs jouant en nos pensées
    Calmes et apaisées
    Et lucides - comme cette eau
    De confiance et de repos.

    Et l'eau s'éclaire et les poissons sautillent
    Au brusque...

  • O race humaine aux destins d'or vouée,
    As-tu senti de quel travail formidable et battant,
    Soudainement, depuis cent ans,
    Ta force immense est secouée ?

    L'acharnement à mieux chercher, à mieux savoir,
    Fouille comme à nouveau l'ample forêt des êtres,
    Et malgré la broussaille où tel pas s'enchevêtre
    L'homme conquiert sa loi des droits et des devoirs....