• Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
    Mille braves sont là qui dorment sans tombeau,
    L’épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
    Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.

    La lune froide verse au loin sa pâle flamme.
    Hialmar se soulève entre les morts sanglants,
    Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame.
    La pourpre du...

  • O Femme, que tu sois plébéienne ou princesse,
    En dévoilant l’amour, je te cherche où tu es.
    Ton cœur est le roman que je relis sans cesse ;
    Je ne te connais pas, mais je t’aime ou te hais.

    J’ai secoué pour toi l’arbre de la science.
    Lis ce livre, ou plutôt cherche ton cœur dedans.
    Sur l’espalier d’Éros, si ta luxuriance
    Est mûre, ouvre la bouche et...

  • Elle est morte ; — une énigme enveloppe sa vie ; —
    Oublieuse de gloire et d’or inassouvie,
    Morte en sa puberté.
    Et qu’un jour l’Avenir l’accuse ou la défende,
    Cette mort, — cette vie, — est comme une légende
    ...

  • Dans l’Atlas, — je ne sais si cette histoire est vraie, —
    Il existe, dit-on, de vastes blocs de craie,
    Mornes escarpements par le soleil brûlés ;
    Sur leurs flancs, les ravins font des plis de suaire ;
    A leur base s’étend un immense ossuaire,
    De carcasses à jour et de crânes pelés.

    Car le lion rusé, pour attirer le pâtre,
    Le Kabyle perdu dans ce désert...

  • Sous les noirs acajous les lianes en fleur,
    Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
    Pendent, et s’enroulant en bas parmi les souches,
    Bercent le perroquet splendide et querelleur,
    L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
    C’est là que le tueur de bœufs et de chevaux,
    Le long des vieux troncs morts à l’écorce moussue,
    Sinistre et fatigué...

  • Emporté ce matin par un dernier sommeil,
    Je guidais, dans mon rêve, un quadrige en ivoire ;
    Ce char resplendissant trouble encore ma mémoire,
    Avec ses chevaux blonds, tels que ceux du soleil.

    Au Dieu qui fait le jour je me trouvais pareil :
    Tous les crins rayonnaient pour m’aider à le croire,
    Et, voltigeant vers moi, m’entouraient d’une gloire ;
    Mais...

  • Cependant que la cloche éveille sa voix claire
    A l’air pur et limpide et profond du matin
    Et passe sur l’enfant qui jette pour lui plaire
    Un angelus par brins de lavande et de thym,

    Le sonneur effleuré par l’oiseau qu’il éclaire,
    Chevauchant tristement en geignant du latin
    Sur la pierre qui tend la corde séculaire,
    N’entend descendre à lui qu’un...

  • J’ai tout vu : la luxuriance
    M’a couronné dans mes vingt ans ;
    Mais je cherche encor la Science
    Sous l’arbre aux rameaux irritants.

    Des visions du vieil Homère
    J’ai peuplé tous les Alhambras.
    — Païenne ou biblique chimère,
    Vous m’avez brisé dans vos bras !

    Pour m’enivrer, je l’ai saisie,
    La...

  • Las du triste hôpital et de l’encens fétide
    Qui monte en la blancheur banale des rideaux
    Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
    Le moribond, parfois, redresse son vieux dos,

    Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
    Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
    Les poils blancs et les os de sa maigre figure
    Aux fenêtres qu’un beau rayon...

  • Des avalanches d’or du vieil azur, au jour
    Premier, et de la neige éternelle des astres,
    Mon Dieu, tu détachas les grands calices pour
    La terre jeune encore et vierge de désastres ;

    Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
    Et ce divin laurier des âmes exilées
    Vermeil comme le pur orteil du séraphin
    Que rougit la pudeur des aurores foulées ;...