D'un sommeil plus tranquille à mes Amours rêvant
J'éveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et cette longue nuit si durement passée,
Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.
Demi désespéré je jure en me levant
D'arracher cet objet à mon âme insensée,
Et soudain de ses voeux ma raison offensée
Se dédit et me laisse aussi fol que devant....
-
-
Sacrés murs du Soleil où j'adorai Philis,
Doux séjour où mon âme était jadis charmée,
Qui n'est plus aujourd'hui sous nos toits démolis,
Que le sanglant butin d'une orgueilleuse armée,
Ornements de l'autel qui n'êtes que fumée,
Grand temple ruiné, mystères abolis,
Effroyables objets d'une ville allumée,
Palais, homme, chevaux, ensemble ensevelis,... -
Sonnet
Les Parques ont le teint plus gai que mon visage,
Je crois que les damnés sont plus heureux que moi :
Aussi le vieux tyran qui leur donne la loi
Des peines que je sens n'a jamais eu l'usage.
Les jours les plus sereins pour moi sont pleins d'orage,
Les objets les plus beaux pour moi sont pleins d'effroi,
Et du plus doux accueil que me... -
Ode
Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l'eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S'amuse à regarder son ombre.
De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.
Les Nymphes que la chasse attire
À l'ombrage de ces forêts
... -
Stances
S'il est vrai, Cloris, que tu m'aimes,
Mais j'entends que tu m'aimes bien,
Je ne crois point que les Rois mêmes
Aient un heur comme le mien :
Que la mort serait importune
De venir changer ma fortune
À la félicité des Dieux !
Tout ce qu'on dit de l'ambroisie
Ne touche point ma fantaisie
Au prix des grâces de tes yeux.... -
Au milieu de Paris je me suis fait ermite,
Dedans un seul objet mon esprit se limite,
Quelque part où mes yeux me pensent divertir
Je traîne une prison d'où je ne puis sortir,
J'ai le feu dans les os et l'âme déchirée
De cette flèche d'or que vous m'avez tirée.
Quelque tentation qui se présente à moi,
Son appas ne me sert qu'à renforcer ma foi.
L'... -
Stances
La frayeur de la mort ébranle le plus ferme :
Il est bien malaisé,
Que dans le désespoir, et proche de son terme
L'esprit soit apaisé.
L'âme la plus robuste, et la mieux préparée
Aux accidents du sort,
Voyant auprès de soi sa fin toute assurée,
Elle s'étonne fort.
Le criminel pressé de la mortelle crainte
D'un... -
Les Amours plus mignards à nos rames se lient.
Les Tritons à l'envi nous viennent caresser,
Les vents sont modérés, les vagues s'humilient
Par tous les lieux de l'onde où nous voulons passer.
Avec notre dessein va le cours des étoiles,
L'orage ne fait point blêmir nos matelots,
Et jamais alcyon sans regarder nos voiles
Ne commit sa nichée à la merci... -
Élégie
Cruelle, à quel propos prolonges-tu ma peine ?
Qui t'a sollicitée à renouer ma chaîne,
Quel démon ennemi de mes contentements
Me vient remettre encore en tes enchantements ?
Mon mal allait finir, et déjà ma pensée
Ne gardait plus de toi qu'une Image effacée,
Ma fièvre n'avait plus que ce frisson léger,
Qui du dernier accès achève le... -
Ode
Je n'ai repos ni nuit ni jour,
Je brûle, et je me meurs d'amour,
Tout me nuit, personne ne m'aide,
Le mal m'ôte le jugement,
Et plus je cherche de remède,
Moins je trouve d'allégement.
Je suis désespéré, j'enrage,
Qui me veut consoler m'outrage,
Si je pense à ma guérison,
Je tremble de cette espérance,
Je me fâche...