• Est-il rien de plus vain qu’un songe mensonger
    Un songe passager, vagabond et muable ?
    La vie est toutefois au songe comparable,
    Ausonge vagabond, muable et passager ;

    Est-il rien de plus vain que l’ombrage léger,
    L’ombrage remuant, inconstant et peu stable ?
    La vie est toutefois à l’ombrage semblable,
    À l’ombrage tremblant sous l’arbre d’un verger...

  • Heureus le serviteur officieus, & dextre
    Que le maistre benin au logis treuvera
    Faisant sa volonté, quant il retournera
    Gouverneur de ses biens il le fera seul estre :

    Mais le valet hautain, presumptueus, & traistre
    Oubliant son devoir, en soy-mesme dira
    Mon-seigneur au logis si tost ne r’entrera,
    Sur toute la maison je me veus faire maistre...

  • Il ny à si grossier qui ne connoisse bien
    Devoir un jour mourir, & toutefois quant l’heure
    De la mort est venue, il se tourmente, & pleure
    Desireus de sa perte, & jalous de son bien.

    N’a il pas bien faillu que pere & mere tien
    Homme sans jugement, auparavant toy meure ?
    Comment ? es tu ne seul à fortune meilleure
    Sur lequel de la mort...

  • Mortel pense quel est dessous la couverture
    D’un charnier mortuaire un cors mangé de vers,
    Descharné, desnervé, où les os descouvers,
    Depoulpez, desnouez, delaissent leur jointure :

    Icy l’une des mains tombe de pourriture,
    Les yeux d'autre costé destournez à l’envers
    Se distillent en glaire, et les muscles divers
    Servent aux vers goulus d’ordinaire...

  • N’est-ce pas la raison que le proffit redonde
    Au lieu duquel il sort ? & que dedans la mer
    Les fleuves ondoyans se viennent renfermer,
    Puisque de la mer mesme ils derivent leur onde ?

    Ce n’est donc point à tort que la terre profonde
    Doit un jour repeter, pourrir, & consumer,
    Ce cors qui ne se peut au bien accoustumer
    Puis que d’elle il a pris...

  • Pour un petit moment que tu dois vivre au monde
    Pourquoy te bastis tu une habitation
    De si haute grandeur que sa construction
    Semble chocquer du ciel la cambreure profonde ?

    Cain fust le premier qui sur la terre ronde
    Dressa une cité, duquel l’invention
    Incontinant en queue eut sa punition,
    Perdant du ciel heureus la lumiere seconde.

    Si tu...

  • Quand le fruit est cueilli la feuille ternissante
    Est de nulle valeur ; quant les raisins contrains
    Ont passez par deus fois sous les pressoirs estrains
    On jette à l’abandon la pressure fumante.
     
    Le moulin s’allentit, quant la meule tournante
    Pour exercer son tour n’a farines ny grains ;
    Je dis que les viellars de leur fin sont prochains
    Quant...

  • Sçais tu que cest de vivre ? autant comme passer
    Un chemin tortueus, ore le pié te casse,
    Le genou s’afoiblist, le mouvement se lasse
    Et la soif vient le teint de ta levre effacer ;
     
    Tantost il t’y convient un tien ami laisser,
    Tantost enterrer l’autre, ore il faut que tu passes
    Un torrent de douleur, et franchisses l’audace
    D’un rocher de...

  • Va par les carrefours des places desolees
    De l’emperiere Rome, & sous les arcs bossez,
    Et dans les temples sains à l’antique dressez,
    Cherches des roys deffuns les riches Mausaulees,

    Va sous les fondemens des colomnes moulees,
    Et parmi les meulons des Thermes abaissez,
    Et sous les escailliers des Theatres haussez,
    Fouilles des vieus Censeurs les...

  • Veu que tous estoint mors un seul est mort pour tous
    Et si est mort pour tous afin que ceus qui vivent
    Ne vivent plus à eus mais la volonté suivent
    De celuy qui de mort rescussita pour nous.

    Il fust né d’une Vierge, & se soumit pour tous
    Asservi à la loy, afin que ceus qui vivent
    Et marchent sous la loy desormais ne la suivent
    Agneau conceu sans...