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          À qui rêves-tu si tu rêve,
    Front bombé que j’adore et voudrais entr’ouvrir,
    Entr’ouvrir d’un baiser pénétrant comme un glaive,
    Pour voir si c’est à moi, — que tu fais tant souffrir !
    O front idolâtré, mais fermé, — noir mystère,
    Plus noir que ces yeux noirs qui font la Nuit en moi,
    Et dont le sombre feu nourrit et désespère
          L’amour...

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          Poète de cape et d’épée
          À qui n’a jamais résisté
          Ni la Muse ni la Beauté,
          Ni la Grâce désoccupée,
    Thaumaturge d’amour, qui peux d’une poupée
          Faire un démon de volupté !

          Tu redemandes cette histoire
          Qu’aux temps si fous de mon passé
          J’écrivis, un soir, de mémoire,
          Avec de l’encre...

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        ..... C’était dans la ville adorée
    Sarcophage pour moi des premiers souvenirs,
    Où tout enfant j’avais, en mon âme enivrée
    Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs !
    C’était là... qu’une après-midi, dans une rue,
    Dont un soleil d’août, de sa lumière drue,
    Frappait le blanc pavé désert, ― qu’elle passa,
    Et qu’en moi, sur ses pas, tout...

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    Eh quoi ! vous vous plaignez, vous aussi, de la vie !
    Vous avez des douleurs, des ennuis, des dégoûts !
    Un dard sans force aux yeux, sur la lèvre une lie,
    Et du mépris au cœur ! ― Hélas ! c’est comme nous !
    Lie aux lèvres ? ― poison, reste brûlant du verre ;
    Dard aux yeux ? ― rapporté mi-brisé des combats ;
    Et dans le cœur mépris ? ― Éternel...

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    Le Jour meurt, — et la Nuit met le pied sur sa tombe
    Avec le noir orgueil d’avoir tué le Jour.
    De la patère au sphinx l’épais rideau retombe,
    Et le salon désert dans son vaste pourtour
          A pris des airs de catacombe.

    Et les volets fermés par-dessus le rideau
    Ont fait comme un cercueil à ma sombre pensée…
    Je suis seul comme un mort ; — et...

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    Oui ! restons masqués pour le monde !
    Il ne vaut pas ce qu’il verrait
    Dans notre intimité profonde,
    S’il en surprenait le secret !
    Il en abuserait, sans doute ;
    Il est si cruel et si bas !
    Ma Clara, pour toi je redoute
    Ce que, toi, tu ne connais pas !

    Toi, tu ne connais de la vie
    Que ce qu’en a rêvé ton cœur…
    Mais moi, Clara...

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    Un soir, dans la Sierra, passait Campéador.
    Sur sa cuirasse d’or le soleil mirait l’or
    Des derniers flamboiements d’une soirée ardente
    Et semblait du héros la splendeur flamboyante !
    Il n’était qu’or partout, du cimier aux talons.
    L’or des cuissards froissait l’or des caparaçons.
    Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque,
    Mais ses yeux...

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    Tu ne sais pas, Clary, quand, heureuse, ravie,
    Tu me tends ton épaule et ton front tour à tour,
    Que dans la double coupe où je puise la vie
    Il est un autre goût que celui de l’amour…
    Ô ma chère Clary, tu ne sais pas sans doute
    Qu’il est derrière nous un funèbre Échanson
    Dont la main doit verser d’abord, goutte par goutte,
             Dans tout...

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    Un soir, j’étais debout, auprès d’une fenêtre...
    Contre la vitre en feu j’avais mon front songeur,
    Et je voyais, là-bas, lentement disparaître
    Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur !
    C’était un vieux soleil des derniers soirs d’automne,
    Globe d’un rouge épais, de chaleur épuisé,
    Qui ne faisait baisser le regard à personne,
             Et qu...

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    Je vivais sans cœur, tu vivais sans flamme,
    Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;
    Tu pris de mes sens, je pris de ton âme,
    Et tous deux ainsi nous nous partageâme :
    Mais c’est toi qui fis le meilleur cadeau !

    Oui ! c’est toi, merci… C’est toi, sainte femme,
    Qui m’as fait sentir le profond amour…
    Je mis de ma nuit dans ta blancheur d’...