• Cache ton corps soubs un habit funeste ;
    Ton lict, Margot, a perdu ses chalans,
    Et tu n'es plus qu'un miserable reste
    Du premier siecle, et des premiers Galans.

    Il est certain que tu vins sur la terre
    Avant que Rome eût détroné ses Rois
    Et que tes yeux virent naistre la guerre
    Qui mit les Grecs dans un cheval de bois.

    La Mort hardie, et...

  • Que j'aime ces forêts ! que j'y vis doucement !
    Qu'en un siècle troublé j'y dors en assurance !
    Qu'au déclin de mes ans j'y rêve heureusement !
    Et que j'y fais des vers qui plairont à la France !

    Depuis que le village est toutes mes amours,
    Je remplis mon papier de tant de belles choses,
    Qu'on verra les savants après mes derniers jours,
    Honorer...

  • Quand doi-je quitter les rochers
    Du petit Desert qui me cache,
    Pour aller revoir les clochers
    De Saint Pol, et de Saint Eustache ?

    Paris est sans comparaison ;
    Il n'est plaisir dont il n'abonde ;
    Chacun y trouve sa maison.
    C'est le païs de tout le monde.

    Apollon, faut-il que Maynard
    Avec les secrets de ton art
    Meure en une...

  • Il n'est homme en l'Univers
    Qui ne me couvre de blâme,
    S'il estime que mes Vers
    Soyent l'image de mon Ame.

    Ils appellent le blanc, blanc.
    Leur langage net et franc
    Fait la figue à la contrainte.

    Je l'advoüe. Il est certain,
    Ma plume est une putain,
    Mais ma vie est une sainte.

  • Il est vray. Je le sçay. Mes Vers sont mesprisez.
    Leur cadence a choqué les Galans et les Belles,
    Graces à la bonté des Orateurs frisez,
    Dont le faux sentiment regne dans les Ruelles.

    Ils s'efforcent en vain de ravaler mon prix ;
    Et malgré leur malice, aussi foible que noire,
    Mon Livre sera leu de tous les beaux Esprits ;
    Et, plus il vieillira,...

  • Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée,
    Mon dernier jour est dessus l'horizon.
    Tu crains ta liberté. Quoi ! n'es-tu pas lassée
    D'avoir souffert soixante ans de prison ?

    Tes désordres sont grands ; tes vertus sont petites ;
    Parmi tes maux on trouve peu de bien ;
    Mais si le bon Jésus te donne ses mérites,
    Espère tout et n'appréhende rien.
    ...

  • DESCRIPTION CHIMÉRIQUE D'UN ÊTRE DE RAISON,
    FABRIQUÉ DE PIÈCES RAPPORTÉES, HABILLÉ D'UNE
    ÉTOFFE A DOUBLE SENS, LEQUEL FUT CONSTRUIT
    PAR UNE ASSEMBLÉE D'ÉQUIVOQUES,ASSISTÉES DU
    GÉNIE BURLESQUE (1713)

    Il a un corps de garde,
    Des membres de période,
    Une tête d'Armée,
    Une face de théâtre,
    Des traits d'arbalète,
    Le front d'un bataillon...

  • Je voudrais bien être vent quelquefois
    Pour me jouer aux cheveux d'Uranie,
    Puis être poudre aussitôt je voudrais,
    Quand elle tombe en sa gorge polie.

    Soudain encor je me souhaiterais
    Pouvoir changer en cette toile unie
    Qui va couvrant ce beau corps que je dois
    Nommer ma mort aussitôt que ma vie.

    Ces changements plairaient à mon désir,...

  • Esprit des beaux-esprits, vagabonde Inconstance,
    Qu'Éole roi des vents avec l'onde conçut
    Pour être de ce monde une seconde essence,
    Reçois ces vers sacrés à ta seule puissance,
    Aussi bien que mon âme autrefois te reçut.

    Déesse qui partout et nulle part demeure,
    Qui préside à nos jours et nous porte au tombeau,
    Qui fais que le désir d'un instant...

  • Voici des vers mourants et des plaintes de cygne
    Qui sont de mon trépas et la borne et le signe,
    Un cri de Philomèle, un langoureux ennui
    Qui prend son origine aux cruautés d'autrui,
    Bref un funeste amas de soupirs que je pense
    Par les lois du respect être dus au silence,
    Que ma plume affaiblie envoie à ta rigueur,
    Ma bouche ne pouvant en décharger mon...