• France ! à l'heure où tu te prosternes,
    Le pied d'un tyran sur ton front,
    La voix sortira des cavernes
    Les enchaînés tressailleront.

    Le banni, debout sur la grève,
    Contemplant l'étoile et le flot,
    Comme ceux qu'on entend en rêve,
    Parlera dans l'ombre tout haut ;

    Et ses paroles qui menacent,
    Ses paroles dont l'éclair luit,
    Seront...

  • Jeanne parle ; elle dit des choses qu'elle ignore ;
    Elle envoie à la mer qui gronde, au bois sonore,
    A la nuée, aux fleurs, aux nids, au firmament,
    A l'immense nature un doux gazouillement,
    Tout un discours, profond peut-être, qu'elle achève
    Par un sourire où flotte une âme, où tremble un rêve,
    Murmure indistinct, vague, obscur, confus, brouillé.
    Dieu, le...

  • Voici juin. Le moineau raille
    Dans les champs les amoureux ;
    Le rossignol de muraille
    Chante dans son nid pierreux.

    Les herbes et les branchages,
    Pleins de soupirs et d'abois,
    Font de charmants rabâchages
    Dans la profondeur des bois.

    La grive et la tourterelle
    Prolongent, dans les nids sourds,
    La ravissante querelle
    ...

  • Charle ! Charle ! ô mon fils ! quoi donc ! tu m'as quitté.
    Ah ! tout fuit ! rien ne dure !
    Tu t'es évanoui dans la grande clarté
    Qui pour nous est obscure.

    Charles, mon couchant voit périr ton orient.
    Comme nous nous aimâmes !
    L'homme, hélas ! crée, et rêve, et lie en souriant
    Son âme à d'autre âmes ;

    Il dit : C'est éternel ! et poursuit son...

  • Jeanne et Georges sont là. Le noir ciel orageux
    Devient rose, et répand l'aurore sur leurs jeux ;
    Ô beaux jours ! Le printemps auprès de moi s'empresse ;
    Tout verdit ; la forêt est une enchanteresse ;
    L'horizon change, ainsi qu'un décor d'opéra ;
    Appelez ce doux mois du nom qu'il vous plaira,
    C'est mai, c'est floréal ; c'est l'hyménée auguste
    De la...

  • I

    Ce petit bonhomme bleu
    Qu'un souffle apporte et remporte,
    Qui, dès que tu dors un peu,
    Gratte de l'ongle à ta porte,

    C'est mon rêve. Plein d'effroi,
    Jusqu'à ton seuil il se glisse.
    Il voudrait entrer chez toi
    En qualité de caprice.

    Si tu désires avoir
    Un caprice aimable, leste,
    Et prenant un air céleste
    ...

  • C'est le moment crépusculaire.
    J'admire, assis sous un portail,
    Ce reste de jour dont s'éclaire
    La dernière heure du travail.

    Dans les terres, de nuit baignées,
    Je contemple, ému, les haillons
    D'un vieillard qui jette à poignées
    La moisson future aux sillons.

    Sa haute silhouette noire
    Domine les profonds labours.
    On sent à...

  • Mon bras pressait ta taille frêle
    Et souple comme le roseau ;
    Ton sein palpitait comme l'aile
    D'un jeune oiseau.

    Longtemps muets, nous contemplâmes
    Le ciel où s'éteignait le jour.
    Que se passait-il dans nos âmes ?
    Amour ! Amour !

    Comme un ange qui se dévoile,
    Tu me regardais, dans ma nuit,
    Avec ton beau regard d'étoile,
    Qui m'...

  • Elle est la terre, elle est la plaine, elle est le champ.
    Elle est chère à tous ceux qui sèment en marchant ;
    Elle offre un lit de mousse au pâtre ;
    Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel,
    Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel
    Comme des soeurs autour de l'âtre.

    Elle aime le rayon propice aux blés mouvants,
    Et l'assainissement...

  • L'été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
    La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
    Les yeux fermés, l'oreille aux rumeurs entrouverte,
    On ne dort qu'à demi d'un sommeil transparent.

    Les astres sont plus purs, l'ombre paraît meilleure ;
    Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
    Et l'aube douce et pâle, en attendant son heure,
    Semble toute la...