• Il pleut ; la brume est épaissie ;
    Voici novembre et ses rougeurs
    Et l'hiver, effroyable scie
    Que Dieu nous fait, à nous songeurs.

    L'abeille errait, l'aube était large,
    L'oiseau jetait de petits cris,
    Les moucherons sonnaient la charge
    A l'assaut des rosiers fleuris,

    C'était charmant. Adieu ces fêtes,
    Adieu la joie, adieu l'été,...

  • Espérez ! espérez ! espérez, misérables !
    Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
    Pas d'enfer éternel !
    Les douleurs vont à Dieu, comme la flèche aux cibles ;
    Les bonnes actions sont les gonds invisibles
    De la porte du ciel.

    Le deuil est la vertu, le remords est le pôle
    Des monstres garrottés dont le gouffre est la geôle ;
    Quand, devant...

  • Mes poèmes ! soyez des fleuves !
    Allez en vous élargissant !
    Désaltérez dans les épreuves
    Les coeurs saignants, les âmes veuves,
    Celui qui monte ou qui descend.

    Que l'aigle plonge, loin des fanges,
    Son bec de lumière en vos eaux !
    Et dans vos murmures étranges
    Mêlez l'hymne de tous les anges
    Aux chansons de tous les oiseaux !

  • Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche,
    Comme un petit Jésus assoupi dans sa crèche ;
    Ton pur sommeil était si calme et si charmant
    Que tu n'entendais pas l'oiseau chanter dans l'ombre ;
    Moi, pensif, j'aspirais toute la douceur sombre
    Du mystérieux firmament.

    Et j'écoutais voler sur ta tête les anges ;
    Et je te regardais dormir ; et sur...

  • Dante m'est apparu. Voici ce qu'il m'a dit :

    I

    Je dormais sous la pierre où l'homme refroidit.
    Je sentais pénétrer, abattu comme l'arbre,
    L'oubli dans ma pensée et dans mes os le marbre.
    Tout en dormant je crus entendre à mon côté
    Une voix qui parlait dans cette obscurité,
    Et qui disait des mots étranges et funèbres.
    Je m'écriai. Qui...

  • Oh ! pour remplir de moi ta rêveuse pensée,
    Tandis que tu m'attends, par la marche lassée,
    Sous l'arbre au bord du lac, loin des yeux importuns,
    Tandis que sous tes pieds l'odorante vallée,
    Toute pleine de brume au soleil envolée,
    Fume comme un beau vase où brûlent des parfums ;

    Que tout ce que tu vois, les coteaux et les plaines,
    Les doux...

  • Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?

    - Oui.
    J'ai mis le feu là.

    - Mais c'est un crime inouï !
    Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
    Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
    C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
    Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
    C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
    Le...

  • Quelqu'un connaît-il ma cachette ?
    C'est un lieu calme, où le ciel clair
    En un jour de printemps rachète
    Le mal qu'ont fait six mois d'hiver.

    Il y coule des eaux charmantes ;
    L'iris y naît dans les roseaux ;
    Et le murmure des amantes
    S'y mêle au babil des oiseaux.

    Là vivent, dans les fleurs, des groupes
    Épars, et parfois réunis,...

  • Moins de vingt ans et plus de seize,
    Voilà son âge ; et maintenant
    Dites tout bas son nom : Thérèse,
    Et songez au ciel rayonnant.

    Quel destin traversera-t-elle ?
    Quelle ivresse ? quelle douleur ?
    Elle n'en sait rien ; cette belle
    Rit, et se coiffe d'une fleur.

    Ses bras sont blancs ; elle est châtaine ;
    Elle a de petits pieds...

  • Le matin - En dormant

    J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
    Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
    Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
    Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
    Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
    Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
    Grincement d'une faux...