• Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
    Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ?
    Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu,
    C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime.
    Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même,
    Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons,
    Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons...

  • Il songe. Il s'est assis rêveur sous un érable.
    Entend-il murmurer la forêt vénérable ?
    Regarde-t-il les fleurs ? regarde-t-il les cieux ?
    Il songe. La nature au front mystérieux
    Fait tout ce qu'elle peut pour apaiser les hommes ;
    Du coteau plein de vigne au verger plein de pommes
    Les mouches viennent, vont, reviennent ; les oiseaux
    Jettent leur petite...

  • Je ne me mets pas en peine
    Du clocher ni du beffroi ;
    Je ne sais rien de la reine,
    Et je ne sais rien du roi ;

    J'ignore, je le confesse,
    Si le seigneur est hautain,
    Si le curé dit la messe
    En grec ou bien en latin ;

    S'il faut qu'on pleure ou qu'on danse,
    Si les nids jasent entr'eux ;
    Mais sais-tu ce que je pense ?
    C'...

  • Comme elle avait la résille,
    D'abord la rime hésita.
    Ce devait être Inésille... -
    Mais non, c'était Pepita.

    Seize ans. Belle et grande fille... -
    (Ici la rime insista :
    Rimeur, c'était Inésille.
    Rime, c'était Pepita.)

    Pepita... - Je me rappelle !
    Oh ! le doux passé vainqueur,
    Tout le passé, pêle-mêle
    Revient à flots dans mon...

  • I

    Les pauvres gens de la côte,
    L'hiver, quand la mer est haute
    Et qu'il fait nuit,
    Viennent où finit la terre
    Voir les flots pleins de mystère
    Et pleins de bruit.

    Ils sondent la mer sans bornes ;
    Ils pensent aux écueils mornes
    Et triomphants ;
    L'orpheline pâle et seule
    Crie : ô mon père ! et l'aïeule
    Dit -. mes enfants...

  • Fillettes, les fleurs sont écloses,
    Dansez, courons.
    Je suis ébloui par les roses
    Et par vos fronts.

    Chez les fleurs vous êtes les reines ;
    Nous le dirons
    Aux bois, aux prés, aux marjolaines,
    Aux liserons.

    Avec l'oiselle l'oiseau cause,
    Et s'interrompt
    Pour la quereller d'un bec rose,
    Aux baisers prompt.

    Donnez...

  • Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade
    Des petites fleurs d'or du mur qui se dégrade,
    Et l'interlocuteur des arbres et du vent.
    Tout cela me connaît, voyez-vous. J'ai souvent,
    En mai, quand de parfums les branches sont gonflées,
    Des conversations avec les giroflées ;
    Je reçois des conseils du lierre et du bleuet.
    L'être mystérieux, que vous...

  • (II)

    Ineffable lever du premier rayon d'or,
    Du jour éclairant tout sans rien savoir encor!
    O matin des matins ! amour ! joie effrénée
    De commencer le temps, l'heure, le mois, l'année !
    Ouverture du monde ! instant prodigieux !
    La nuit se dissolvait dans les énormes cieux
    Où rien ne tremble, où rien ne pleure, où rien ne souffre ;
    Autant que le...

  • Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
    Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
    Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
    Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
    Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
    Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
    Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
    Caïn, ne dormant pas, songeait au pied...

  • Je racontais un conte
    A quatre ou cinq marmots, auditoire choisi,
    Et j'en étais, je crois, à l'endroit que voici :
    "... Dans un instant où Dieu tournait le dos, le diable
    Se glissa, sans rien dire et d'un air amiable,
    Ce qu'il fait très souvent, derrière le bon Dieu ;
    Il coupa dans le ciel un morceau de drap bleu,
    Et, pour cacher le trou, mit dessus un nuage...