•  
    L'Asie est monstrueuse et fauve ; elle regarde
    Toute la terre avec une face hagarde,
    Et la terre lui plaît, car partout il fait nuit ;
    L'Asie, où la hauteur des rois s'épanouit,
    À ce contentement que l'univers est sombre ;
    Ici la Cimmérie, au-delà la Northumbre,
    Au delà l'âpre hiver, l'horreur, les glaciers nus,
    Et les monts ignorés sous les...

  • Amis ! l'ennui nous tue, et le sage l'évite !
    Venez tous admirer la fête où vous invite
    Néron, César, Consul pour la troisième fois ;
    Néron, maître du monde et dieu de l'harmonie,
    Qui, sur le mode d'Ionie,
    Chante, en s'accompagnant de la lyre à dix voix !

    Que mon joyeux appel sur l'heure vous rassemble !
    Jamais vous n'aurez eu tant de plaisirs...

  • IV

    Quand finira ceci ? Quoi ! ne sentent-ils pas
    Que ce grand pays croule à chacun de leurs pas !
    Châtier qui ? Paris ? Paris veut être libre.
    Ici le monde, et là Paris ; c'est l'équilibre.
    Et Paris est l'abîme où couve l'avenir.
    Pas plus que l'Océan on ne peut le punir,
    Car dans sa profondeur et sous sa transparence
    On...

  •  
    Un groupe tout à l’heure était là sur la grève,
    Regardant quelque chose à terre. ― Un chien qui crève !
    M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est. ―
    Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.
    L’océan lui jetait l’écume de ses lames.
    — Voilà trois jours qu’il est ainsi, disaient des femmes,
    On a beau lui parler, il n’ouvre pas les...

  •  
    Un hymne harmonieux sort des feuilles du tremble ;
    Les voyageurs craintifs, qui vont la nuit ensemble,
    Haussent la voix dans l’ombre où l’on doit se hâter.
    Laissez tout ce qui tremble
    Chanter.

    Les marins fatigués sommeillent sur le gouffre.
    La mer bleue où Vésuve épand ses flots de soufre
    Se tait dès qu’il s’éteint, et cesse de gémir.
    ...

  • I

    Un jour je vis le sang couler de toutes parts ;
    Un immense massacre était dans l'ombre épars ;
    Et l'on tuait. Pourquoi ? Pour tuer. Ô misère !
    Voyant cela, je crus qu'il était nécessaire
    Que quelqu'un élevât la voix, et je parlai.
    Je dis que Montrevel et Bâville et Harlay
    N'étaient point de ce siècle, et qu'en des jours de...

  • Un poète est un monde enfermé dans un homme.
    Plaute en son crâne obscur sentait fourmiller Rome ;
    Mélésigène, aveugle et voyant souverain
    Dont la nuit obstinée attristait l’œil serein,
    ...

  • VI

    Qu'es-tu ? quoi, tu descends de là-haut, misérable !
    Quoi ! toi, le plomb, le feu, la mort, l'inexorable,
    Reptile de la guerre au sillon tortueux,
    Quoi ! toi, l'assassinat cynique et monstrueux
    Que les princes du fond des nuits jettent aux hommes,
    Toi, crime, toi, ruine et deuil, toi qui te nommes
    Haine, effroi, guet-...

  • X

    Une femme m'a dit ceci : ─ J'ai pris la fuite.
    Ma fille que j'avais au sein, toute petite,
    Criait, et j'avais peur qu'on n'entendît sa voix.
    Figurez-vous, c'était un enfant de deux mois ;
    Elle n'avait pas plus de force qu'une mouche.
    Mes baisers essayaient de lui fermer la bouche,
    Elle criait toujours ; hélas ! elle...

  • V

    Aux petits incidents il faut s'habituer.
    Hier on est venu chez moi pour me tuer.
    Mon tort dans ce pays c'est de croire aux asiles.
    On ne sait quel ramas de pauvres imbéciles
    S'est rué la nuit sur ma maison.
    Les arbres de la place en eurent le frisson,
    Mais pas un habitant ne bougea. L'escalade
    Fut longue, ardente...