• « Mes soeurs, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour !
    Venez : le moissonneur repose en son séjour ;
    La rive est solitaire encore ;
    Memphis élève à peine un murmure confus ;
    Et nos chastes plaisirs, sous ces bosquets touffus,
    N'ont d'autre témoin que l'aurore.

    « Au palais de mon père on voit briller les arts ;
    Mais ces bords pleins de...

  • VIII

    Ils gisent dans le champ terrible et solitaire.
    Leur sang fait une mare affreuse sur la terre ;
    Les vautours monstrueux fouillent leur ventre ouvert ;
    Leurs corps farouches, froids, épars sur le pré vert,
    Effroyables, tordus, noirs, ont toutes les formes
    Que le tonnerre donne aux foudroyés énormes ;
    Leur crâne est à...

  •  
    Nous sommes les proscrits ; nous habitons l’abîme ;
    Nous assistons dans l’ombre au vil bonheur d’un crime ;
    Nous regardons l’esprit vaincu par l’animal,
    Et l’infâme baiser de la fortune au mal ;
    Nous voyons des heureux qui sont des misérables ;
    Nous parlons entre nous des choses vénérables,
    De la liberté morte et du peuple trahi ;
    Nous sommes...

  •  
    Quand l'automne, abrégeant les jours qu'elle dévore,
    Eteint leurs soirs de flamme et glace leur aurore,
    Quand novembre de brume inonde le ciel bleu,
    Que le bois tourbillonne et qu'il neige des feuilles,
    O ma muse ! en mon âme alors tu te recueilles,
    Comme un enfant transi qui s'approche du feu.

    Devant le sombre hiver de Paris qui bourdonne,
    ...

  • I

    Comme la nuit tombe vite !
    Le jour, en cette saison,
    Comme un voleur prend la fuite,
    S’évade sous l’horizon.

    Il semble, ô soleil de Rome,
    De l’Inde et du Parthénon,
    Que, quand la nuit vient de l’homme
    Visiter le cabanon,

    Tu ne veux pas qu’on te voie,
    Et que tu crains d’être pris
    En flagrant délit de...

  • XLIII

    L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
    La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
    Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
    On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

    Les astres sont plus purs, l’...

  • Ô sainte horreur du mal ! Devoir funèbre ! Ô haine !
    Quand Virgile suspend la chèvre au blanc troëne ;
    Quand Lucrèce revêt de feuilles l'homme nu ;
    Quand Ennius compare au satyre cornu
    Le bouc passant sa tête à travers la broussaille
    Qui fait qu'Europe au bain se détourne et tressaille ;
    Quand Moschus chante Enna ; quand Horace gaîment
    Suit Canidie, et...

  • Oh ! combien de marins, combien de capitaines
    Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
    Dans ce morne horizon se sont évanouis !
    Combien ont disparu, dure et triste fortune !
    Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
    Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !

    Combien de patrons morts avec leurs équipages !
    L’ouragan de leur vie a pris...

  • VI

    Oh ! vivons ! disent-ils dans leur enivrement.
    Voyez la longue table et le festin charmant
    Qui rayonne dans nos demeures !
    Nous semons tous nos biens n’importe en quels sillons.
    Riches, nous dépensons, nous perdons, nous pillons...

  • XXXII

    Il lui disait : — Vos chants sont tristes. Qu’avez-vous ?
    Ange inquiet, quels pleurs mouillent vos yeux si doux ?
    Pourquoi, pauvre âme tendre, inclinée et fidèle,
    Comme un jonc que le vent a ployé d’un coup d’aile,
    Pencher...