• I

    Malheur à l'enfant de la terre,
    Qui, dans ce monde injuste et vain,
    Porte en son âme solitaire
    Un rayon de l'esprit divin !
    Malheur à lui ! l'impure envie
    S'acharne sur sa noble vie,
    Semblable au Vautour éternel,
    Et, de son triomphe irritée,
    Punit ce nouveau Prométhée
    D'avoir ravi le feu du ciel !

    La...

  •  
    Mon âme est faite ainsi que jamais ni l'idée,
    Ni l'homme, quels qu'ils soient, ne l'ont intimidée ;
    Toujours mon cœur, qui n'a ni bible ni koran,
    Dédaigna le sophiste et brava le tyran ;
    Je suis sans épouvante étant sans convoitise ;
    La peur ne m'éteint pas et l'honneur seul m'attise ;
    J'ai l'ankylose altière et lourde du rocher ;
    Il est fort...

  •  
    Écoute ; — nous vivrons, nous saignerons, nous sommes
    Faits pour souffrir parmi les femmes et les hommes,
    Et nous apercevrons devant nos yeux, vois-tu,
    Comme des monts, travail, honneur, devoir, vertu,
    Et nous gravirons l'une après l'autre ces cimes ;
    Quand nous serons en bas, loin des sommets sublimes,
    Nous dresserons nos fronts ; mais, en haut, nos...

  •  
    Au loin sous une brume aux épaisseurs profondes,
    L'œil, dans l'obscurité, plus bas que tous les mondes,
    Voit vaguement des fronts énormes s'agiter.
    Tâchant encor d'aider l'homme et de l'assister,
    Ils sont tous là, pensifs, sur de ténébreux trônes,
    Les guides des Sions, des Tyrs, des Babylones,
    Tous ceux que la nature et l'art ont pour docteurs,...

  •  
    Charle a fait des dessins sur son livre de classe.
    Le thème est fatigant au point, qu'étant très lasse,
    La plume de l'enfant n'a pu se reposer
    Qu'en faisant ce travail énorme : improviser
    Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques,
    Comme on en voit aux murs des alhambras moresques,
    Des taches d'encre, ayant des aspects d'animaux,
    Qui...

  •  
    La foule était tragique et terrible ; on criait :
    À mort ! Autour d'un homme altier, point inquiet,
    Grave, et qui paraissait lui-même inexorable,
    Le peuple se pressait : À mort le misérable !
    Et, lui, semblait trouver toute simple la mort.
    La partie est perdue, on n'est pas le plus fort,
    On meurt, soit. Au milieu de la foule accourue,
    Les...

  • XXII

    Gastibelza, l’homme à la carabine,
    Chantait ainsi :
    " Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine ?
    Quelqu’un d’ici ?
    Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne
    Le mont Falù.
    — Le vent qui vient à travers la montagne
    Me...

  • " Je vous abhorre, ô dieux ! Hélas ! Si jeune encore,
    Je puis déjà ce que je veux !
    Accablé de vos dons, ô dieux, je vous abhorre.
    Que vous ai-je donc fait pour combler tous mes voeux ?

    " Du détroit de Léandre aux colonnes d'Alcide,
    Mes vaisseaux parcourent les mers ;
    Mon palais engloutit, ainsi qu'un gouffre avide,
    Les trésors des cités et les...

  •  
    Un jour, le duc Berthold, neveu du comte Hugo,
    Marquis du Rhin, seigneur de Fribourg en Brisgau,
    Traversait en chassant la forêt de Thuringe.
    Il vit sous un grand arbre un ange auprès d'un singe.
    Ces deux êtres, pareils à deux lutteurs grondants,
    Se regardaient l'un l'autre avec des yeux ardents ;
    Le singe ouvrait sa griffe et l'ange ouvrait son aile...

  •  
    Souvent, dans le hallier où l’églogue hypocrite
    S’en va chantant,
    J’ai tout à coup cessé de lire Théocrite
    Inquiétant ;

    Homère fait trembler ; un gouffre est dans Eschyle ;
    Parfois je veux
    M’enfuir quand Circé passe ou quand je vois Achille
    Pris aux cheveux ;

    Les aigles sur les bords du Gange et du Caystre
    Sont effrayants ;
    ...