•  
    Et la lumière a lui dans les ténèbres,
    et les ténèbres ne l’ont pas comprise.

    L’ADEPTE
    Non, tous vos beaux discours ne m’ont point converti.
    Et pourquoi voulez-vous que j’embrasse un parti ?
    N’est-ce donc point assez que d’insolents libraires
    Préfèrent des pamphlets à mes oeuvres légères ?
    Est-ce trop peu déjà qu’un stupide...

  • IV

    Le tambour bat aux champs et le drapeau s'incline.
    De la Bastille au pied de la morne colline
    Où les siècles passés près du siècle vivant
    Dorment sous les cyprès peu troublés par le vent,
    Le peuple a l'arme au bras ; le peuple est triste ; il pense ;
    Et ses grands bataillons font la haie en silence.

    Le fils mort et le...

  •  
    Oh ! certes, je sais bien, moi souffrant et rêvant,
    Que tout cet inconnu qui m'entoure est vivant,
    Que le néant n'est pas, et que l'Ombre est une Âme ;
    La cendre ne parvient qu'à me prouver la flamme ;
    Faire voir clairement le ciel, l'éternel port,
    La vie enfin, c'est là le succès de la mort ;
    Oh ! certes, je voudrais qu'au ténébreux passage
    ...

  • XI

    Dès votre premier cri, Jeanne, vous excitiez
    Nos admirations autant que nos pitiés ;
    Vous naissiez ; vous aviez cette toute-puissance,
    La grâce ; vous étiez la crèche qu'on encense,
    L'humble marmot divin qui n'a point encor d'yeux,
    Et qu'une étoile vient chercher du haut des cieux ;
    Puis vous eûtes six jours, vous eûtes...

  •  
    J’ai fait en arrivant dans l’île connaissance
    Avec un frais vallon plein d’ombre et d’innocence,
    Qui, comme moi, se plaît au bord des flots profonds.
    Au même rayon d’or tous deux nous nous chauffons ;
    J’ai tout de suite avec cette humble solitude
    Pris une familière et charmante habitude.
    Là deux arbres, un frêne, un orme à l’air vivant,
    Se...

  • LE VIEUX MONDE

    O flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
    Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
    Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
    Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
    Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
    Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
    Ta vague monte avec...

  •  
    Quien baga aplicaciones
    Con su pan se lo coma.
    (YRIARTE.)

    Brutus, te souvient-il, dis-moi,
    Du temps où, las de ta livrée,
    Tu vins, en veste déchirée,
    Te joindre à ce bon peuple-roi
    Fier de sa majesté sacrée
    Et formé de gueux comme toi ?
    Dans ce beau temps de république,
    Boire et jurer fut ton emploi ;
    ...

  •  
    Un lion avait pris un enfant dans sa gueule,
    Et, sans lui faire mal, dans la forêt, aïeule
    Des sources et des nids, il l'avait emporté.
    Il l'avait, comme on cueille une fleur en été,
    Saisi sans trop savoir pourquoi, n'ayant pas même
    Mordu dedans, mépris fier ou pardon suprême ;
    Les lions sont ainsi, sombres et généreux.
    Le pauvre petit prince...

  •  
    Un homme aux yeux profonds passait ; un patriarche
    Lui demanda : — Combien as-tu de jours de marche,
    Ô voyageur qui viens du côté du levant ?
    L'homme dit : — Je ne sais. Le vieux reprit : — Le vent,
    Ô voyageur qui viens du côté de l'aurore,
    T'a-t-il bien poursuivi ? L'homme dit : — Je l'ignore.
    Le vieillard dit : — Tu dois avoir près d'Engaddi
    ...

  • IV

    Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire !
    Toute l'ombre est livrée à l'immense colère.
    Coups de foudre, bruits sourds. Pâles, nous écoutons.
    Le supplice imbécile et noir frappe à tâtons.
    Rien de divin ne luit. Rien d'humain ne surnage.
    Le hasard formidable erre dans le carnage,
    Et mitraille un troupeau de...