• Elle allait me quitter ; c’était pour très-longtemps.
    Oh ! comme le cœur bat dans ces derniers instants.
    Les départs du matin font souffrir : on s’éveille
    De la nuit plein le cœur, quand l’aurore est vermeille,
    Quand l’azur rajeuni devient rose et lilas ;
    On a les yeux gonflés : on est pâle, on est las ;
    La maison prend un air de deuil ; toutes les choses...

  • J’ai fait allumer un grand Feu,
    Tout est clos, fenêtre et volets.
    Je veux lire, viens, Rabelais ;
    Ce temps-ci m’intéresse peu.

    La flamme de rose et de bleu
    Teint ma chambre comme un palais ;
    J’ai fait allumer un grand Feu,
    Tout est clos, fenêtre et volets.

    Foin des gens qui parlent hébreu !
    Foin des songeurs tristes et laids !
    O...

  • De ses flancs ondulés quand j’ai vu la blancheur,
    Quand j’ai vu ses deux bras relevés sur sa tête,
    Comme au sommet vermeil d’une amphore de Crète
    Les deux anses du bord qui s’élèvent en chœur,

    O mort des anciens jours, j’ai compris ta douceur,
    Le charme évanoui de ton œuvre muette,
    Lorsqu’insensiblement tu couvrais de pâleur
    Un profil corinthien de...

  • Tout est ravi quand vient le Jour
    Dans les cieux flamboyants d’aurore.
    Sur la terre en fleur qu’il décore
    La joie immense est de retour.

    Les feuillages au pur contour
    Ont un bruissement sonore ;
    Tout est ravi quand vient le Jour
    Dans les cieux flamboyants d’aurore.

    La chaumière comme la tour
    Dans la lumière se colore,
    L’eau murmure...

  • Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
    Qu’ils soient dans l’inconnu côte à côte enfermés !
    Ramenez, s’il est loin, celui que l’autre pleure.
    Un seul amour demande une seule demeure ;
    Et c’est une souffrance à torturer un mort,
    De ne point reposer au lit où l’autre dort !
    La matière en révolte elle-même réclame ;
    Le corps aspire au corps ainsi que...

  • Lorsque s’éveille le Matin
    Au Luxembourg encor désert,
    En chantant dans le gazon vert,
    Les oiselets font leur festin.

    Les feuilles sont comme un satin
    Des larmes de la nuit couvert,
    Lorsque s’éveille le Matin
    Au Luxembourg encor désert.

    Le moineau du quartier Latin,
    Pour qui se donne le concert,
    A des miettes pour son dessert,...

  • Fraîches, d’un rose vif et pâle tour à tour,
    Les heures du matin sont l’enfance du jour.
    Du ciel elles ont vu la ville, leur amie,
    Et donnent un baiser à la belle endormie.
    Faites de transparence et de virginité,
    Nul souffle impur ne touche à leur frêle beauté.
    Ces heures ont encor des souvenirs d’étoiles ;
    De la pensée obscure elles lèvent les voiles...

  • Le meurtrier cosaque avait pour lent supplice
    D’être avec la victime enseveli vivant :
    — Près Kharkov une vierge aux portes d’un couvent
    Fut tuée étant prête à vêtir le cilice.

    Sur la bière on a peint dans l’or le blanc calice ;
    Le jeune meurtrier pieds nus marche devant,
    Et les guerriers amis, graves en le suivant,
    Sentent leur cœur faiblir sans que...

  • Je vais voir, quand il est Midi,
    Les estampes du quai Voltaire,
    Fragonard qui ne peut se taire,
    Et Boucher toujours étourdi.

    Debucourt est fort applaudi,
    Boilly plaît au célibataire ;
    Je vais voir, quand il est Midi,
    Les estampes du quai Voltaire.

    Mais Wateau, nautonier hardi,
    C’est toi surtout, cœur solitaire,
    C’est toi qu’en la...

  • Comme il fut triste et beau le destin de Moïse !
    Pour lui, Dieu fut terrible et les hommes ingrats,
    Et sans se plaindre un jour sa douleur s’est soumise ;
    Et jamais vers le ciel il n’a tendu les bras,

    Lui qui sans récompense a servi d’entremise
    Entre la foudre en haut et les crimes en bas,
    Lui, qui marcha trente ans vers la terre promise
    Sachant au...