• Je connais, au fond d'une anse
    Où sa maigre forme danse,
    Un érable mort,
    Mort nous raconte une histoire
    De s'être penché pour boire
    L'eau claire du bord.

    A le voir nu comme un marbre,
    L'été, parmi d'autres arbres
    Verts et vigoureux,
    On dirait que la nature
    L'a laissé sans sépulture
    Pour un crime affreux.

    Plus tard quand...

  • Je voudrais que la nuit fût opaque et figée,
    Définitive et sourde, une nuit d'hypogée ;
    J'oserais approcher, soudainement hardi,
    De la femme pour qui je suis un grain de sable,
    Et d'un mot lui crier mon rêve inguérissable.
    Elle ne rirait pas, devinant un maudit.

    Pour m'imposer à sa pitié de curieuse,
    Je ferais de mon corps une chose hideuse
    ...

  • Les joncs frémissent à peine
    Sous le doux vent échappé
    Des champs de trèfle coupé
    Dans les lointains escarpés.
    Calmes sous la pure haleine,
    Les joncs frémissent à peine.

    Les joncs penchent mollement
    Leur tige au-dessus de l'onde
    Qui chante, la vagabonde,
    Les pleurs et le deuil du monde.
    Quel morne gazouillement
    Berce les...

  • Femme, sitôt que ton regard
    Eut transpercé mon existence,
    J'ai renié vingt espérances,
    J'ai brisé, d'un geste hagard,
    Mes dieux, mes amitiés anciennes,
    Toutes les lois, toutes les chaînes,
    Et du passé fait un brouillard.

    J'ai purifié de scories
    Mes habitudes et mes goûts ;
    J'ai précipité dans l'égout
    D'étourdissantes jongleries ;...

  • Le noir espace, beau pour une occulte fête,
    A, pour moi, recueilli la vie et la répète
    En des formes qu'agite un frisson d'océan.
    Dans cette irruption d'images se créant,
    Peu à peu se dessine une énorme cohue
    Qui se démène, lutte et vers l'argent se rue,
    Pour garder plus longtemps, sous le ciel angoissé,
    Le don prodigieux de vivre et de penser.
    Puis...

  • Ô les mots qu'on adresse à la femme attirante,
    Les mots qu'on veut badins, spirituels, charmeurs ;
    Mots voilés et pensifs, échappés ou qu'on tente !
    - Prélude où le désir se cache dans les fleurs.

    Ô les regards soudainement pleins de lumière,
    Où se révèle un coeur ouvert et confiant,
    Regards que l'on dirait de limpides prières !
    Respectueux regards...

  • Le Saint-Laurent, mordu par les souffles d'automne,
    S'exaspère. Partout sur le fleuve dément
    L'âme des bois brûlés flotte languissamment.
    Affolé, mon canot plonge dans l'eau gloutonne.

    Pas d'oiseaux. Aucun coup de fusil ne résonne.
    Le vaste et lourd brouillard, gris uniformément,
    De son opacité cache tout mouvement
    Et dams une caverne étrange m'...

  • Quelle âme revêtir dans cette forêt vierge
    Qui va, grimpant les monts, au ciel donner assaut,
    Où la terre a gardé l'empreinte d'un sursaut
    Par quoi, depuis des temps fabuleux, elle émerge.

    Arrière fatuité, loin de moi rire sot
    Que l'on promène au bal, dans la rue ou l'auberge.
    Comme si j'explorais quelque nouvelle berge,
    J'aurai l'âme qui sied en face...

  • Telle qu'une vapeur s'épaississant toujours,
    La nuit grave s'étend sur les îles boisées ;
    Les plus belles au loin, déjà semblent rasées
    Et les rives n'ont plus que de fuyants contours.

    A mes pieds, le vent d'est chassant l'onde à rebours,
    Courbe les joncs comme autant d'âmes angoissées.
    - Veux-tu que nous allions reposer nos pensées
    Dans l'ombre qui...

  • Ainsi qu'en embuscade au socle qui l'attache
    Et nu, comme autrefois ses aïeux au désert,
    L'Iroquois belliqueux ranimé par Hébert,
    Dans sa main de vaincu brandit toujours la hache.

    Sous la pluie et la neige, impassible, il revoit
    Les pirogues dansant de rapide en rapide,
    Les poteaux de torture et les scalpes humides,
    Les chasses des tribus...