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    À Monsieur Ernest Legouvé.

    Ravi des souvenirs clairs de l’eau dont s’abreuve
    La terre, j’ai conçu cette chanson du Fleuve.

    Derrière l’horizon sans fin, plus loin, plus loin
    Les montagnes, sur leurs sommets que nul témoin
    N’a vus, condensent l’eau que le vent leur envoie.
    D’où le glacier, sans cesse accru, mais qui se broie
    Par...

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    Emporte dans tes yeux la couleur de ses eaux.
    Soit que son onde lasse aux sables se répande
    Ou que son flot divers, mine, contourne ou fende
    La pierre qui résiste ou cède à ses travaux ;

    Car, sonore aux rocs durs et plaintif aux roseaux,
    Le fleuve, toujours un, qu’il gémisse ou commande,
    Dirige par le val et conduit par la lande
    La bave des...

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    Vous, ne révélez point la destinée ultime,
    O défunts dans la nuit pêle-mêle noyés !
    Dieu seul peut suivre au loin jusqu’à l’extrême abîme
    Le fleuve entier des morts qui roule sous nos pieds.

    Les beaux yeux, les grands cœurs et les fronts pleins de rêve,
    Les couples escortant Juliette et Roméo,
    Tous les restes humains vers la brumeuse grève
    ...

  • Le fleuve du temps dans son emportement
    Éparpille au loin les œuvres des Hommes
    Et noie dans l’abîme de l’oubli
    Tous les peuples, les royaumes et leurs rois
    Et si quelque chose doit subsister
    Par le son du cor et de la lyre
    Le gouffre de l’éternité le dévorera
    Du destin commun il n’échappera pas

  • Depuis l'âge orageux des aurores premières
    Où tout un ciel pleuvait sur un monde naissant,
    Suivi d'un infini cortège de rivières,
    Au large, à plein chenal, en triomphe, il descend.

    Superbe, délivré des ténèbres sauvages
    Et des enchantements des noirs Esprits du mal,
    Il proclame aux nouveaux soleils de ses rivages,
    Son noble nom de saint, son beau...

  • Conçu dans l?ombre aux flancs augustes de la Terre,
    Le Fleuve prend sa vie aux sources du mystère.
    Il est le fils des monts déserts et des glaciers ;
    Et les vieux rocs pensifs, farouches nourriciers
    Du limpide cristal distillé par la voûte,
    Dans l?ombre, de longs jours l?abreuvent goutte à goutte,
    L?écoutent gazouiller dans son lit de cailloux,
    Si faible...

  • Tout dort. Le fleuve antique entre ses quais de pierre
    Semble immobile. Au loin s?espacent des beffrois.
    Et sur la cité, monstre aux écailles de toits,
    Le silence descend, doux comme une paupière.

    Les palais et les tours sur le ciel étoilé
    Découpent des profils de rêve. Notre-dame
    Se reflète, géante, au miroir de mon âme.
    Et la Sainte-Chapelle a l?air...