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    À mon ami Paul Haag.
     

    Mon histoire, messieurs les juges, sera brève.
    Voilà. Les forgerons s’étaient tous mis en grève.
    C’était leur droit. L’hiver était très dur ; enfin,
    Cette fois, le faubourg était las d’avoir faim.
    Le samedi, le soir du payement de semaine,
    On me prend doucement par le bras, on m’emmène
    Au...

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    À Edmond de Guerle.

    Quand son enseignement eut consolé le monde,
    Le Bouddha, retiré dans la djongle profonde
    Et du seul Nirvâna désormais soucieux,
    S’assit pour méditer, les bras levés aux cieux ;
    Et gardant pour toujours cette sainte attitude,
    Il vécut dans l’extase et dans la solitude,
    Concentrant son esprit sur un...

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    LE père Éloi, l’ancien compagnon charpentier,
    ― Autrefois un fameux homme dans son métier, ―
    N’avait que soixante ans sonnés, pas davantage.
    Mais pour un ouvrier, déjà c’est un grand âge.
    Étant connu sur tous les chantiers cependant,
    Il vécut assez bien jusqu’à son accident.
    Mais, l’automne dernier, ― il se sentait patraque
    ...

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    Saint Éphrem, que jamais le démon ne fit choir,
    Dans un faubourg de Tyr se promenait, un soir,
    Rêvant du paradis et l’âme aux cieux ravie,
    Lorsqu’une femme impure et de mauvaise vie,
    Qui dans ce lieu désert avait suivi ses pas,
    Le prit par son manteau, lui murmurant tout bas
    Des propos tentateurs et brûlants de luxure.
    Le saint abbé des mains...

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    À Emmanuel Glaser.

    Les deux sœurs étaient là, les bras entrelacés,
    Debout devant la vieille aux regards fatidiques.
    Qui tournait lentement de ses vieux doigts lassés
    Sur un coin de haillon les cartes prophétiques.

    Brune et blonde, et de plus fraîches comme un matin,
    L’une sombre pavot, l’autre blanche anémone,
    Celle-ci fleur de mai,...

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    Lorsque, vaincu d’un seul regard, je t’ai suivie,
    Plus d’un m’a dit : « Encore ? À quarante ans passés ! »
    Soit. J’ai des cheveux gris aux tempes, je le sais ;
    Mais ma soif de tendresse est loin d’être assouvie.

    Celui-là qui me blâme, au fond du cœur m’envie.
    Non ! je n’ai pas assez vécu, souffert assez,
    Et je vaux mieux que vous, jeunes vieillards...

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    À Léopold Horovitz.

    Si chétive, une haleine, une âme,
    L’orpheline du porte-clés
    Promenait dans la cour infâme
    L’innocence en cheveux bouclés.

    Elle avait cinq ans ; son épaule
    Était blanche sous les haillons,
    Et, libre, elle emplissait la geôle
    D’éclats de rire et de rayons.

    Un bon vieux repris de justice
    Sculptait...

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    À Catulle Mendès.

    Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je dorme entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec...

  • L’autre soir, je voyais la petite Marie
    Rester, près de la lampe, en extase et sans voix ;
    Car elle avait tiré de son coffre de bois
    Ce jouet d’Allemagne appelé bergerie.

    Les moutons étaient gros comme la métairie
    Qui, certes, n’aurait pu loger les villageois ;
    Les arbres sur leurs pieds naïfs étaient tout droits,
    Et le vieux tapis vert jouait mal la...

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    Quand Guntz Tête-de-Fer revint de Palestine,
    Une nuit qu’il veillait, couché sous la courtine,
    Près de sa femme Hilda, fille de Suénon,
    Il l’entendit, tout bas, en rêve, dire un nom,
    Un nom d’homme, celui d’un voisin de sa terre.
    Guntz est jaloux : il croit son épouse adultère,
    Va prendre son épée et la tire à demi.
    Mais, devant la candeur de...