• Les vieilles mains d’argent des coutumes locales
    — Et carillons et bruits de fête à pleins bourdons —
    Tendent soudain les longs et torpides cordons
    À l’horloge de mes douleurs maniacales.

    Le sonnant cuivre clair des musiques pascales
    Couvre les voix et les sanglots des abandons ;
    Et me voici : le radieux vers des pardons
    Ardents et...

  •  
    La mort a bu du sang
    Au cabaret des Trois Cercueils.

    La Mort a mis sur le comptoir
    Un écu noir ;
    Et puis s’en est allée.

    « C’est pour les cierges et pour les deuils »
    Et puis s’en est allée.

    La Mort s’en est allée
    Tout lentement
    Chercher le sacrement.

    ...

  • LA FORÊT

    C’est aujourd’hui le domaine des seuls oiseaux,
    Ce bois que les siècles décorent.

    Dans le mirage en or des soirs et des aurores,
    Au bord de l’île, où les mers s’éplorent,
    II flotte et bouge au loin, sur la splendeur des eaux.

    Il est d’éternité,
    Puisque personne
    Ne se rappelle avoir...

  • Sur la route, près des labours,
    Le forgeron énorme et gourd,
    Depuis les temps déjà si vieux, que fument
    Les émeutes du fer et des aciers sur son enclume,
    Martèle, étrangement, près des flammes intenses,
    À grands coups pleins, les pâles lames
    Immenses de la patience.

    Tous ceux du bourg qui habitent son coin,
    Avec la haine en...

  • Là-bas,
    Dans le jardin des ifs et des trépas,
    Depuis toujours, un homme bêche
    La terre sèche.

    Autour de lui, quelques saules se survivant
    Pleurent — et quelques fleurs navrées
    D’être éternellement, par la pluie et le vent
    Et la tempête, chavirées.

    Le sol, il n’est que trous et bosses ;
    Aux quatre coins, bâillent des...

  • Ce soir, un grand ciel clair, surnaturel, abstrait,
    Froid d’étoiles, infiniment inaccessible
    À la prière humaine, un grand ciel clair paraît.
    Il fige en son miroir l’éternité visible.

    Le gel étreint cet infini d’argent et d’or,
    Le gel étreint, les vents, la grève et le silence
    Et les plaines et les plaines ; le gel qui mord
    Les lointains bleus, où les...

  •  
    Près d’une porte où luit du sang, sur les battants,
    Mon cœur, là-bas, est haletant ;
    Près d’une porte, en des sous-sols, voisins de havres,
    Mon cœur surveille au loin de terribles cadavres.

    Ce sont des morts qu’on y apporte,
    À bras d’hommes ou sur des brancards noirs ;
    Des morts anciens qu’on apporte, le soir,
    Et que l’on...

  • Ô la splendeur de notre joie,

    Tissée en or dans l’air de soie !

    Voici la maison douce et son pignon léger,
    Et le jardin et le verger.

    Voici le banc, sous les pommiers
    D’où s’effeuille le printemps blanc,
    À pétales frôlants et lents.
    Voici des vols de lumineux...

  • Les molosses d’hiver, le gel, le vent, la neige,
    Ô mon vieux cœur de lassitude et de souci,
    Ils hurlent à la mort, écoute ! et leur cortège
    S’enfuit, avec des pleurs, vers le néant. Voici,
    Qu’ils ululent sinistrement et qu’on ulule
    Vers eux, parmi les lourds échos du crépuscule,
    En réponse, là-bas.
    ...

  • Les soirs crucifiés sur l’horizon, les soirs
    Saignent, dans les marais, leurs douleurs et leurs plaies,
    Dans les marais, ainsi que de rouges miroirs
    Placés pour refléter le martyre des soirs,
    Des soirs crucifiés sur l’horizon, les soirs !

    Vous les Jésus, pasteurs qui venez par les plaines,
    Chercher les troupeaux clairs pour vos clairs abreuvoirs,
    ...