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    Je ne me plaindrai point. La pâle Jalousie
    Retient sa voix tremblante et pleure un sang muet.
    Qu’ils vivent de longs jours, heureux sans poésie,
    Et qu’un amour tranquille habite leur chevet !

    Qu’il la possède bien, sans l’avoir désirée,...

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    Des saisons la plus désirée
    Et la plus rapide, ô printemps,
    Qu’elle m’est longue, ta durée !
    Tu possèdes mon adorée,
            Et je l’attends !

    Ton azur ne me sourit guère,
    C’est en hiver que je la vois ;
    Et cette douceur éphémère,
    Je ne l’ai dans l’année entière
            Rien qu’une fois.

    Mon bonheur n’est qu’une étincelle...

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    Je t'aime. Il est des jours, il est des jours sacrés
            Où l'âme sent tout bas renaître
    La mémoire des morts qu'on a trop peu pleurés
            Et qu'on fit trop pleurer peut-être.
    Allons sur les tombeaux de nos parents perdus
            Réparer cet ancien outrage.
    On ne donne aux vieillards les pleurs qui leur sont dus
            Que le jour où l...

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    Pour une heure de joie unique et sans retour,
    De larmes précédée et de larmes suivie,
    Pour une heure tu peux, tu dois aimer la vie :
    Quel homme, une heure au moins, n’est heureux à son tour ?

    Une heure de soleil fait bénir tout le jour,
    Et quand ta main serait tout le jour asservie,
    Une heure de tes nuits ferait encore envie
    Aux morts, qui n’...

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    On connaît toujours trop les causes de sa peine,
    Mais on cherche parfois celles de son plaisir ;
    Je m’éveille parfois l’âme toute sereine,
    Sous un charme étranger que je ne peux saisir.

    Un ciel rose envahit mon être et ma demeure,
    J’aime tout l’univers, et, sans savoir pourquoi,
    Je rayonne. Cela ne dure pas une heure,
    Et je sens refluer les...

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    Au-dessus du tombeau trône un guerrier nu-tête
    Qui dresse un front de roi sur un buste d’athlète.
    Tuniques et manteaux jusqu’aux hanches tombés
    Laissent voir la poitrine aux grands muscles bombés,
    Virils témoins d’un âge où la force est bien-mûre,
    Et, sous le beau travail d’une opulente armure,
    Les épaules, malgré le fardeau de l’airain,
    ...

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    Nous recevions sa visite assidue ;
    J’étais enfant. Jours lointains ! Depuis lors
    La porte est close et la maison vendue :
           Les foyers vendus sont des morts.

    Quand j’entendais son pas de demoiselle,
    Adieu mes jeux ! Courant...

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    Pendant avril et mai, qui sont les plus doux mois,
    Les couples, enchantés par l’éther frais et rose,
    Ont ressenti l’amour comme une apothéose ;
    Ils cherchent maintenant l’ombre et la paix des bois.

    Ils rêvent, étendus sans mouvement, sans voix ;
    Les cœurs désaltérés font ensemble une pause,
    Se rappelant l’aveu dont un lilas fut cause
    Et le...

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    À l’Air, le dieu puissant qui soulève les ondes
                 Et fouette les hivers,
    À l’Air, le dieu léger qui rend les fleurs fécondes
                 Et sonores les vers,
    Salut ! C’est le grand dieu dont la robe flottante
                 Fait le ciel animé ;
    Et c’est le dieu furtif qui murmure à l’amante :
                 « Voici le bien-aimé. »...

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    Deux hommes sont montés sur la haute falaise ;
    Ils ont fermé les yeux pour écouter la mer :
    « J’entends le paradis pousser des clameurs d’aise.
    Et moi j’entends gémir les foules de l’enfer. »

    Alors, épouvantés des songes de l’ouïe,
    Ils ont rouvert les yeux sous le même soleil.
    L’Océan sait parler, selon l’âme et la vie,
    Aux hommes différents...