• I

    Dans ma cervelle se promène
    Ainsi qu'en son appartement,
    Un beau chat, fort, doux et charmant.
    Quand il miaule, on l'entend à peine,

    Tant son timbre est tendre et discret ;
    Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
    Elle est toujours riche et profonde.
    C'est là son charme et son secret.

    Cette voix, qui perle et qui filtre
    Dans...

  • A la pâle clarté des lampes languissantes,
    Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur
    Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
    Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.

    Elle cherchait, d'un oeil troublé par la tempête,
    De sa naïveté le ciel déjà lointain,
    Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
    Vers les horizons bleus dépassés le matin.
    ...

  • ... Ah ! fille sans amour, ou du moins sans constance,
    Pourquoy paissant mon coeur d'une vaine espérance,
    Me juras-tu jamais que mon feu te plaisoit,
    Et qu'un mesme desir ta poitrine embrasoit ?
    Pourquoy soufflant l'ardeur de ma flamme insensée
    M'asseuras-tu jamais que j'estois ta pensée :
    Et que ta seule amour bruslant trop vivement
    Ne nous permettoit point...

  • ... Voici la mort du ciel en l'effort douloureux
    Qui lui noircit la bouche et fait saigner les yeux.
    Le Ciel gémit d'ahan ; tous ses nerfs se retirent ;
    Ses poumons près à près sans relâche respirent.
    Le Soleil vêt de noir le bel or de ses feux ;
    Le bel oeil de ce monde est privé de ses yeux.
    L'âme de tant de fleurs n'est plus épanouie ;
    Il n'y a plus...

  • O combien est heureux
    Celui qui se contente
    Des biens si plantureux
    Que nature présente !
    Autres biens que ceux-ci
    Sont meslés de souci.

    J'ai toute suffisance
    Que la vie requiert:
    Qui abonde en chevance
    Pour autrui en acquiert.
    Trésors En vain sont amassés.

    Qui se fonde en l'honneur,
    A Fortune se joue,
    Qui...

  • Mon Dieu ! si elle allait mourir !
    Si la pelle allait la couvrir,
    Avec son bec de bois qui ramasse la terre,
    Si sa soeur ou son frère,
    Pour la pleurer allaient venir !

    Si la cloche toujours au guet
    Allait donner sa voix qui fait :
    Mort-mort, mort-mort, en hochant de la tête ;
    Et que le fossoyeur fit fête,
    Assis au bord de son creux fait !...

  • Je les ai vus, je les ai vus,
    Ils passaient, par les sentes,
    Avec leurs yeux, comme des fentes,
    Et leurs barbes, comme du chanvre.

    Deux bras de paille,
    Un dos de foin,
    Blessés, troués, disjoints,
    Ils s'en venaient des loins,
    Comme d'une bataille.

    Un chapeau mou sur leur oreille,
    Un habit vert comme l'oseille ;
    Ils étaient deux...

  • Au carrefour des abattoirs et des casernes,
    Il apparaît, foudroyant et vermeil,
    Le sabre en bel éclair dans le soleil.

    Masque d'airain, bicorne d'or ;
    Et l'horizon, là-bas, où le combat se tord,
    Devant ses yeux hallucinés de gloire !

    Un élan fou, un bond brutal
    Jette en avant son geste et son cheval
    Vers la victoire.

    Il est volant...