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    C’EST au temps de la chrysanthème
    Qui fleurit au seuil des hivers
    Que l’amour cruel dont je t’aime
    En moi poussa des rameaux verts.

    Il naquit, doux et solitaire,
    A ces fleurs d’automne pareil
    Qui, pour parer encor la terre
    N’ont pas eu besoin de soleil.

    Sans redouter les jours moroses
    Qui font mourir les autres fleurs
    Il...

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    J’aime à me figurer, de longs voiles couvertes,
    Des vierges qui s’en vont chantant dans les chemins
    Et qui sortent d’un temple avec des palmes vertes
    Aux mains ;

    Un rêve qui me plaît dans mes heures moroses,
    C’est un groupe d’enfants dansant dans l’ombre en rond,
    Joyeux, avec le rire à la bouche et des roses
    Au front !

    Un rêve qui m’...

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    C'était le jour des morts : Une froide bruine
    Au bord du ciel rayé, comme une trame fine,
            Tendait ses filets gris ;
    Un vent de nord sifflait ; quelques feuilles rouillées
    Quittaient en frissonnant les cimes dépouillées
            Des ormes rabougris ;

    Et chacun s'en allait dans le grand cimetière,
    Morne, s'agenouiller sur le coin de la...

  • Nos patriam fugimus. (VIRGILE.)
    Le navire à son flanc met l’escalier mobile.
    Il attend près du môle, en dehors de la ville,
    Les hôtes inconnus qui, rangés sous ses mâts,
    S’en iront, dès ce soir, vers de lointains climats.
    Le long du quai bruyant où s’alignent les poupes,
    Ils arrivent en hâte et réunis par groupes.
    Étranges voyageurs ! Les destins peu...

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    Si j’étais un oiseau de mer
    À l’aile d’or, au bec de fer,
    Je volerais pendant l’orage,
    France, sur ton plus haut rivage,
    Pour voir au loin le flot verdir,
    Et ton roc de Corse blanchir,
    Là-bas, comme un vaisseau de guerre
    Qui lève l’ancre et quitte terre.
    Si j’étais la feuille des bois,
    Qui tous les mille ans, une fois,
    Se fane...

  • Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
    Retiens les griffes de ta patte,
    Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
    Mêlés de métal et d'agate.

    Lorsque mes doigts caressent à loisir
    Ta tête et ton dos élastique,
    Et que ma main s'enivre du plaisir
    De palper ton corps électrique,

    Je vois ma femme en esprit. Son regard,
    Comme le tien...

  • Comme un bétail pensif sur le sable couchées,
    Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers,
    Et leurs pieds se cherchant et leurs mains rapprochées
    Ont de douces langueurs et des frissons amers.

    Les unes, coeurs épris des longues confidences,
    Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux,
    Vont épelant l'amour des craintives enfances
    Et...

  • Vous ne savez son nom ? - Celle pour qui je chante
    La vie d'amour de feu, puis après est mourante :
    C'est un arbre en verdeur, un soleil en éclats,
    C'est une nuit de rose ou languissants ébats.
    C'est un torrent jeté par un trou de nuage ;
    C'est le roi des lions dégarni de sa cage :
    C'est l'enfant qui se roule et qui est tout en pleurs,
    C'est la misère en cris...

  • On le croyait fondateur de la ville,
    Venu de pays clairs et lointains,
    Avec sa crosse entre les mains,
    Et, sur son corps, une bure servile.

    Pour se faire écouter il parlait par miracles,
    En des clairières d'or, le soir, dans les forêts,
    Où Loge et Thor carraient leurs symboles épais
    Et tonnaient leurs oracles.

    Il était la tristesse et la...

  • Le crapaud noir sur le sol blanc
    Me fixe indubitablement
    Avec des yeux plus grands que n'est grande sa tête ;
    Ce sont les yeux qu'on m'a volés
    Quand mes regards s'en sont allés,
    Un soir, que je tournai la tête.

    Mon frère ? - il est quelqu'un qui ment,
    Avec de la farine entre ses dents ;
    C'est lui, jambes et bras en croix,
    Qui tourne au loin,...