• A Eva

    Si ton coeur, gémissant du poids de notre vie,
    Se traîne et se débat comme un aigle blessé,
    Portant comme le mien, sur son aile asservie,
    Tout un monde fatal, écrasant et glacé ;
    S'il ne bat qu'en saignant par sa plaie immortelle,
    S'il ne voit plus l'amour, son étoile fidèle,
    Eclairer pour lui seul l'horizon effacé ;

    Si ton âme...

  • Est-ce la Volupté qui, pour ses doux mystères,
    Furtive, a rallumé ces lampes solitaires ?
    La gaze et le cristal sont leur pâle prison.
    Aux souffles purs d'un soir de l'ardente saison
    S'ouvre sur le balcon la moresque fenêtre ;
    Une aurore imprévue à minuit semble naître,
    Quand la lune apparaît, quand ses gerbes d'argent
    Font pâlir les lueurs du feu rose et...

  • Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israël,
    Et leurs pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel :

    - Jephté de Galaad a ravagé trois villes ;
    Abel ! la flamme a lui sur tes vignes fertiles !
    Aroër sous la cendre éteignit ses chansons,
    Et Mennith s'est assise en pleurant ses moissons !

    Tous les guerriers d'Ammon sont détruits, et leur terre
    Du Seigneur...

  • Eva, qui donc es-tu ? Sais-tu bien ta nature ?
    Sais-tu quel est ici ton but et ton devoir ?
    Sais-tu que, pour punit l'homme, sa créature,
    D'avoir porté la main sur l'arbre du savoir,
    Dieu permit qu'avant tout, de l'amour de soi-même
    En tout temps, à tout âge, il fît son bien suprême,
    Tourmenté de s'aimer, tourmenté de se voir ?

    Mais si Dieu près...

  • Le rideau s'est levé devant mes yeux débiles,
    La lumière s'est faite et j'ai vu ses splendeurs ;
    J'ai compris nos destins par ces ombres mobiles
    Qui se peignaient en noir sur de vives couleurs.
    Ces feux, de ta pensée étaient les lueurs pures,
    Ces ombres, du passé les magiques figures,
    J'ai tressailli de joie en voyant nos grandeurs.

    Il est donc vrai que...

  • De l'époux bien-aimé n'entends-je pas la voix ?
    Oui, pareil au chevreuil, le voici, je le vois.
    Il reparaît joyeux sur le haut des montagnes,
    Bondit sur la colline et passe les campagnes.

    O fortifiez-moi ! mêlez des fruits aux fleurs !
    Car je languis d'amour et j'ai versé des pleurs.
    J'ai cherché dans les nuits, à l'aide de la flamme,
    Celui qui fait ma...

  • I

    Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,
    Des histoires du temps passé,
    Quand les branches d'arbres sont noires,
    Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !
    Quand seul dans un ciel pâle un peuplier s'élance,
    Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher
    L'immobile corbeau sur l'arbre se balance,
    Comme la girouette au...

  • I

    Les nuages couraient sur la lune enflammée
    Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
    Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
    Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
    Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
    Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
    Nous avons aperçu les grands ongles marqués
    Par les loups...

  • I

    Qu'elle était belle, ma Frégate,
    Lorsqu'elle voguait dans le vent !
    Elle avait, au soleil levant,
    Toutes les couleurs de l'agate ;
    Ses voiles luisaient le matin
    Comme des ballons de satin ;
    Sa quille mince, longue et plate,
    Portait deux bandes d'écarlate
    Sur vingt-quatre canons cachés ;
    Ses mâts, en arrière penchés,
    Paraissaient à...

  • Esprit parisien ! démon du Bas-Empire !
    Vieux sophiste épuisé qui bois, toutes les nuits,
    Comme un vin dont l'ivresse engourdit tes ennuis,
    Les gloires du matin, la meilleure et la pire;

    Froid niveleur, moulant, aussitôt qu'il expire,
    Le plâtre d'un grand homme ou bien d'un assassin,
    Leur mesurant le crâne, et, dans leur vaste sein,
    Poussant jusques au...