• Ô divine Inconstance, aie pitié de moi
    Guéris en me blessant ma plaie et mon émoi,
    Pardonne le dépit de mon âme pressée,
    Pardonne-lui les maux qu'au premier offensée,
    Elle a vomi sur toi frénétique en courroux.
    Change sa volonté, ton nom lui sera doux,
    Et comme j'ai tourné le médire en louange,
    Fais qu'un coeur amoureux à n'aimer plus se change.
    ...

  • Enfants de vanité, qui voulez tout poli,
    qui le style saint ne semble assez joli,
    Qui voulez tout coulant, et coulez périssables
    Dans l'éternel oubli, endurez mes vocables
    Longs et rudes ; et, puisque les oracles saints
    Ne vous émeuvent pas, aux philosophes vains
    Vous trouverez encore, en doctrine cachée,
    La résurrection par leurs écrits prêchée.
    ...

  • ... Quand mon esprit jadis sujet à ta colère
    Aux Champ Élysiens achèvera mes pleurs,
    Je verrai les amants qui de telle misère
    Goûtèrent tels repos après de tels malheurs,
    Tes semblables aussi que leur sentence même
    Punit incessamment en Enfer creux et blême,

    A quiconques aura telle dame servie
    Avec tant de rigueur et de fidélité,
    J'égalerai ma...

  • Vous qui avez écrit qu'il n'y a plus en terre
    De nymphe porte-flèche errante par les bois,
    De Diane chassante, ainsi comme autrefois
    Elle avait fait aux cerfs une ordinaire guerre,

    Voyez qui tient l'épieu ou échauffe l'enferre ?
    Mon aveugle fureur, voyez qui sont ces doigts
    D'albâtre ensanglantés, marquez bien le carquois,
    L'arc et le dard meurtrier, et...

  • Ronsard si tu as su par tout le monde épandre
    L'amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
    Les faveurs, les ennuis, l'aise et la cruauté,
    Et les chastes amours de toi et ta Cassandre,

    Je ne veux à l'envi pour sa nièce, entreprendre
    D'en rechanter autant comme tu as chanté,
    Mais je veux comparer à beauté la beauté,
    Et mes feux à tes feux, et ma cendre...

  • Quand du sort inhumain les tenailles flambantes
    Du milieu de mon corps tirent cruellement
    Mon coeur qui bat encor' et pousse obstinément,
    Abandonnant le corps, ses plaintes impuissantes,

    Que je sens de douleurs, de peines violentes !
    Mon corps demeure sec, abattu de tourment
    Et le coeur qu'on m'arrache est de mon sentiment,
    Ces parts meurent en moi...

  • Oui, mais ainsi qu'on voit en la guerre civile
    Les débats des plus grands, du faible et du vainqueur
    De leur douteux combat laisser tout le malheur
    Au corps mort du pays, aux cendres d'une ville,

    Je suis le champ sanglant où la fureur hostile
    Vomit le meurtre rouge, et la scythique horreur
    Qui saccage le sang, richesse de mon coeur,
    Et en se...

  • Quiconque sur les os des tombeaux effroyables
    Verra le triste amant, les restes misérables
    D'un coeur séché d'amour, et l'immobile corps
    Qui par son âme morte est mis entre les morts,

    Qu'il déplore le sort d'une âme à soi contraire,
    Qui pour un autre corps à son corps adversaire
    Me laisse examiné sans vie et sans mourir,
    Me fait aux noirs tombeaux après...

  • ... Voici la mort du ciel en l'effort douloureux
    Qui lui noircit la bouche et fait saigner les yeux.
    Le Ciel gémit d'ahan ; tous ses nerfs se retirent ;
    Ses poumons près à près sans relâche respirent.
    Le Soleil vêt de noir le bel or de ses feux ;
    Le bel oeil de ce monde est privé de ses yeux.
    L'âme de tant de fleurs n'est plus épanouie ;
    Il n'y a plus...

  • Arrière de moi vains mensonges,
    Veillants et agréables songes,
    Laissez-moi, que je dorme en paix :
    Car bien que vous soyez frivoles,
    C'est de vous qu'on vient aux paroles,
    Et des paroles aux effets.

    Voyez au jardin les pensées
    De trois violets nuancées,
    Du fond rayonne un beau soleil :
    Voilà bien des miennes l'image,
    Sans odeur,...