• Il est un jour, une heure, où dans le chemin rude,
    Courbé sous le fardeau des ans multipliés,
    L'Esprit humain s'arrête, et, pris de lassitude,
    Se retourne pensif vers les jours oubliés.

    La vie a fatigué son attente inféconde ;
    Désabusé du Dieu qui ne doit point venir,
    Il sent renaître en lui la jeunesse du monde ;
    Il écoute ta voix, ô sacré Souvenir...

  • Vois ! cette mer si calme a comme un lourd bélier
    Effondré tout un jour le flanc des promontoires,
    Escaladé par bonds leur fumant escalier,
    Et versé sur les rocs, qui hurlent sans plier,
    Le frisson écumeux des longues houles noires.
    Un vent frais, aujourd'hui, palpite sur les eaux,
    La beauté du soleil monte et les illumine,
    Et vers l'horizon pur où...

  • (Études latines, XI)

    Plus de neiges aux prés. La Nymphe nue et belle
    Danse sur le gazon humide et parfumé ;
    Mais la mort est prochaine ; et, nous touchant de l'aile,
    L'heure emporte ce jour aimé.

    Un vent frais amollit l'air aigu de l'espace ;
    L'été brûle ; et voici, de ses beaux fruits chargé,
    L'Automne au front pourpré ; puis l'Hiver, et tout...

  • Par la chaîne d'or des étoiles vives
    La Lampe du ciel pend du sombre azur
    Sur l'immense mer, les monts et les rives.
    Dans la molle paix de l'air tiède et pur.
    Bercée au soupir des houles pensives,
    La Lampe du ciel pend du sombre azur
    Par la chaîne d'or des étoiles vives.

    Elle baigne, emplit l'horizon sans fin
    De l'enchantement de sa clarté...

  • (Études latines, III)

    Ne crains pas de puiser aux réduits du cellier
    Le vin scellé quatre ans dans l'amphore rustique ;
    Laisse aux Dieux d'apaiser la mer et l'orme antique,
    Thaliarque ! Qu'un beau feu s'égaye en ton foyer ;

    Pour toi, mets à profit la vieillesse tardive :
    Il est plus d'une rose aux buissons du chemin.
    Cueille ton jour fleuri...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d'Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu'il s'endorme en elle,
    O Terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô Terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l'ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin...

  • Je m'étais assis sur la cime antique
    Et la vierge neige, en face des Dieux ;
    Je voyais monter dans l'air pacifique
    La procession des Morts glorieux.
    La Terre exhalait le divin cantique
    Que n'écoute plus le siècle oublieux,
    Et la chaîne d'or du Zeus homérique
    D'anneaux en anneaux l'unissait aux cieux.
    Mais, ô Passions, noirs oiseaux de proie,
    Vous...

  • Autrefois, quand l'essaim fougueux des premiers rêves
    Sortait en tourbillons de mon coeur transporté ;
    Quand je restais couché sur le sable des grèves,
    La face vers le ciel et vers la liberté ;

    Quand, chargé du parfum des hautes solitudes,
    Le vent frais de la nuit passait dans l'air dormant,
    Tandis qu'avec lenteur, versant ses flots moins rudes,
    La...

  • Du pied des sommets bleus, là-bas, dans le ciel clair,
    Épandu sur les lacs, les forêts et les plaines,
    Le vaste fleuve, enflé de cent rivières pleines,
    S'en va vers l'orient du monde et vers la mer.

    L'or fluide du jour jaillit en gerbes vives,
    Monte, s'épanouit, retombe, et, ruisselant
    Comme un rose incendie au fleuve étincelant,
    Semble le dilater...

  • Tels que la haute mer contre les durs rivages,
    À la grande tuerie ils se sont tous rués,
    Ivres et haletants, par les boulets troués,
    En d'épais tourbillons pleins de clameurs sauvages.

    Sous un large soleil d'été, de l'aube au soir,
    Sans relâche, fauchant les blés, brisant les vignes,
    Longs murs d'hommes, ils ont poussé leurs sombres lignes,
    Et là, par...