• De tout ce gala de province
    Où l'on donnait Manon,
    Je ne revois plus rien sinon
    Ta forme étrange, et mince ;

    Et lorsqu'à ce duo troublant
    Tes yeux me firent signe,
    Frissonner le frimas d'un cygne
    Sur ton bel habit blanc ;

    Sinon ton frère sur le siège
    Du fiacre vingt-et-huit
    Où tu avais l'air, dans la nuit
    D'une image de neige...

  • Toi qu'empourprait l'âtre d'hiver
    Comme une rouge nue
    Où déjà te dessinait nue
    L'arôme de ta chair ;

    Ni vous, dont l'image ancienne
    Captive encor mon coeur,
    Ile voilée, ombres en fleurs,
    Nuit océanienne ;

    Non plus ton parfum, violier
    Sous la main qui t'arrose,
    Ne valent la brûlante rose
    Que midi fait plier.

  • Sur le canal Saint-Martin glisse,
    Lisse et peinte comme un joujou,
    Une péniche en acajou,
    Avec ses volets à coulisse,
    Un caillebot au minium,
    Et deux pots de géranium
    Pour la Picarde, en bas, qui trôle.
    ..............................
    Je rêve d'un soir rouge d'or,
    Et d'un lougre hindou qui s'endort :
    - Siffle la brise... eh toi ! créole....

  • Vous qui retournez du Cathai
    Par les Messageries,
    Quand vous berçaient à leurs féeries
    L'opium ou le thé,

    Dans un palais d'aventurine
    Où se mourait le jour,
    Avez-vous vu Boudroulboudour,
    Princesse de la Chine,

    Plus blanche en son pantalon noir
    Que nacre sous l'écaille ?
    Au clair de lune, Jean Chicaille,
    Vous est-il venu voir...

  • Longtemps si j'ai demeuré seul,
    Ah ! qu'une nuit je te revoie.
    Perce l'oubli, fille de joie,
    Sors du linceul.

    D'une figure trop aimée,
    Est-ce toi, spectre gracieux,
    Et ton éclat, cette fumée
    Devant mes yeux ?

    Ta pâleur, tes sombres dentelles,
    Le bal qui berçait nos pieds las,
    Un corps qui plie entre mes bras :
    Je me...

  • J'ai beau trouver bien sympathique
    Feu Loufoquadio,
    Ses Japs en sucre candiot,
    Son Bouddha de boutique ;

    Faime mieux le subtil schéma,
    Sur l'hiver d'un ciel morne,
    De ton aérien bicorne,
    Noble Foujiyama,

    Et tes cèdres noirs, et la source
    Du temple délaissé,
    Qui pleurait comme un coeur blessé,
    Qui pleurait sans ressource...

  • A Londres je connus Bella,
    Princesse moins lointaine
    Que son mari le capitaine
    Qui n'était jamais là.

    Et peut-être aimait-il la mangue ;
    Mais Bella, les Français
    Tels qu'on le parle : c'est assez
    Pour qui ne prend que langue ;

    Et la tienne vaut un talbin.
    Mais quoi ? Rester rebelle,
    Bella, quand te montre si belle
    Le désordre...

  • Circé des bois et d'un rivage
    Qu'il me semblait revoir,
    Dont je me rappelle d'avoir
    Bu l'ombre et le breuvage ;

    Les tambours du Morne Maudit
    Battant sous les étoiles
    Et la flamme où pendaient nos toiles
    D'un éternel midi ;

    Rêves d'enfant, voix de la neige,
    Et vous, murs où la nuit
    Tournait avec mon jeune ennui...
    Collège, noir...

  • Ces premiers froids que l'on réchauffe d'un sarment,
    - Et des platanes d'or le long gémissement,
    - Et l'alcôve au lit noir qui datait d'Henri IV,
    Où ton corps, au hasard de l'ombre dévêtu,
    S'illuminait parfois d'un rouge éclair de l'âtre,
    Quand tu m'aiguillonnais de ton genou pointu,
    Chevaucheuse d'amour si triste et si folâtre ;
    - Et cet abyme où l'on...