• Grand'mère, fillette et garçon
    Chantent tour à tour la chanson.
    Tous trois s'en vont levant la tête :
    La vieille à la jaune binette,
    Les enfants aux roses museaux.
    Que la voix soit rude ou jolie,
    L'air est plein de mélancolie :
    Du mouron pour les p'tits oiseaux !

    Le mouron vert est ramassé
    Dans la haie et dans le fossé.
    Au bout de...

  • Dans le décor de la tapisserie ancienne
    La chatelaine est roide et son corsage est long.
    Un grand voile de lin pend jusqu'à son talon
    Du bout de son bonnet pointu de magicienne.

    Aux accords d'un rebec la belle musicienne
    Chante son chevalier, le fier preux au poil blond
    Qui combat sans merci le Sarrazin félon.
    Elle garde sa foi comme il garde la...

  • Je n'étais qu'une plante inutile, un roseau.
    Aussi je végétais, si frêle, qu'un oiseau
    En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
    Maintenant je suis flûte et l'on me porte envie.
    Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
    Un matin en passant m'arracha du marais,
    De mon coeur, qu'il vida, fit un tuyau sonore,
    Le mit sécher un an, puis, le perçant...

  • Toujours tout droit, sans rien regarder, ils cheminent.
    Les paysans hargneux de coin les examinent,
    Et les enfants poltrons se mettent sur un rang
    Pour les voir. Car ces gueux n'ont pas l'air rassurant.
    Et pourtant ils ne sont que trois, ces trouble-fête,
    Et le plus vieux des trois, celui qui marche en tête,
    N'a pas treize ans. Mais comme ils sont fauves,...

  • L'amour que je sens, l'amour qui me cuit,
    Ce n'est pas l'amour chaste et platonique,
    Sorbet à la neige avec un biscuit ;
    C'est l'amour de chair, c'est un plat tonique.

    Ce n'est pas l'amour des blondins pâlots
    Dont le rêve flotte au ciel des estampes.
    C'est l'amour qui rit parmi des sanglots
    Et frappe à coups drus l'enclume des tempes.

    C'est l...

  • Dans l'âtre flamboyant le feu siffle et détone,
    Et le vieux bois gémit d'une voix monotone.

    Il dit qu'il était né pour vivre dans l'air pur,
    Pour se nourrir de terre et s'abreuver d'azur,
    Pour grandir lentement et pousser chaque année
    Plus haut, toujours plus haut, sa tête couronnée,
    Pour parfumer avril de ses grappes de fleurs,
    Pour abriter les...

  • On n'a pas vu le ciel aujourd'hui. Gris, opaque,
    Et très bas, le brouillard est resté suspendu.
    Les regards se brisaient au froid de cette plaque,
    Métal terni que nul rayon d'or n'a fendu.

    Vers le soir seulement, au bord du lourd couvercle
    Une lueur, ainsi qu'un fil de sang vermeil,
    Se glisse, creuse un trou, puis s'élargit en cercle.
    Le...

  • Autrefois elle était fière, la belle Ida.
    De sa gorge de lune et de son teint de rose.
    Ce gongoriste fou, le marquis de Monrose,
    Surnommait ses cheveux les jardins d'Armida.

    Mais le corbeau du temps de son bec la rida.
    N'importe ! Elle sourit à sou miroir morose,
    Appelant sa pâleur de morte une chlorose,
    Et son coeur est plus chaud qu'une olla-...

  • Un mois s'ensauve, un autre arrive.
    Le temps court comme un lévrier.
    Déjà le roux genévrier
    A grisé la première grive.
    Bon soleil, laissez-vous prier,
    Faites l'aumône !
    Donnez pour un sou de rayons.
    Faites l'aumône
    A deux pauvres vieux papillons.

    La poudre d'or qui nous décore
    N'a pas perdu toutes couleurs,
    Et malgré l'averse...

  • L'hiver vient de tousser son dernier coup de rhume
    Et fuit, emmitouflé dans sa ouate de brume.
    On ne reverra plus, avant qu'il soit longtemps,
    Sur la vitre, allumée en prismes éclatants,
    Fleurir la fleur du givre aux étoiles d'aiguilles.
    Voici qu'un frisson monte à la gorge des filles !
    C'est le printemps. Salut, bois verts, oiseaux chanteurs,
    Ciel...