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    Cette colline est belle, inclinée et pensive ;
    Sa ligne sur le ciel est pure à l’horizon.
    Elle est un de ces lieux où la vie indécise
    Voudrait planter sa vigne et bâtir sa maison.

    Nul pourtant n’a choisi sa pente solitaire
    Pour y vivre ses jours, un à un, au penchant
    De ce souple coteau doucement tutélaire
    Vers qui monte la plaine et se hausse...

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    Vous m’avez dit :
    Laisse-les vivre
    Là-bas...
    Que t’importent leurs bonds ou leurs pas
    Sur l’herbe de l’aurore ou l’herbe de midi,
    M’avez-vous dit ?

    C’est vrai. Ma maison est haute et belle sur la place.
    C’est vrai que ma maison est haute et belle et vaste,
    Faite de marbre avec un toit de tuiles d’or ;
    J’y vis ; j’y dors ;

    ...

  • Tricorne galonné, jabot et haute canne,
    Tel, jadis, abordant au sable de la crique,
    Il vint à Saint-Domingue ou à la Martinique
    Cultiver le café, le tabac et la canne.

    A l'âpre venaison que l'esclave boucane
    Il préféra les fruits de la molle Amérique,
    Il but les tafias et les rhums en barrique
    Sous la véranda fraîche où grimpe la liane.

    Sa...

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    C’est un jour dont le soir a la beauté d’un songe,
    Tant l’air que l’on respire est pur en ces beaux lieux ;
    Et, sous le doigt levé du Temps silencieux,
    La lumière s’attarde et l’heure se prolonge...
    Gardes-en longuement la mémoire en tes yeux.

    Si la source a la voix de sa Nymphe limpide,
    Le frêne sous l’écorce étire son Sylvain :
    Un lent...

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    Ce haut cyprès ! c’est là qu’un soir est mort l’Amour,
    Dans l’ombre chaude encor de sa rouge journée,
    C’est là que, contre lui sa pointe retournée,
    Il est tombé, percé de sa flèche à son tour.

    O lieu cher et cruel et triste, où, de ce jour,
    Mystérieuse et qui ne s’est jamais fanée,
    De son sang a fleuri une rose obstinée
    Dont semble encor la...

  • Tu poursuis, en chantant, dans la glaise et l’argile,
    Pour lui rendre à jamais la forme où tu le vois
    Qui rôde en ta pensée et s’esquive à ta voix,
    Un fantôme furtif qui fuit ton pouce agile.

    La figure s’ébauche indécise et fragile,
    Dans la terre féconde où la cherchent tes doigts,
    Car encore secret et visible parfois
    Le sourire est déjà dans la...

  • Le grand bonnet de tulle est doux aux cheveux gris;
    Le fichu blanc se croise et se noue à la taille.
    Les cheveux furent blonds, dit-on, comme la paille;
    La bouche est jeune encor d'avoir souvent souri.

    Elle a vécu loin de la Cour et de Paris
    Et les petits neveux qui brillent à Versailles
    Savent que dans son bas tricoté maille à maille
    S'entassent les...

  • Je n'emporte avec moi sur la mer sans retour
    Qu'une rose cueillie à notre long amour.
    J'ai tout quitté; mon pas laisse encore sur la grève
    Empreinte au sable insoucieux sa trace brève
    Et la mer en montant aura vite effacé
    Ce vestige incertain qu'y laissa mon passé.
    Partons! que l'âpre vent en mes voiles tendues
    Souffle et m'entraîne...

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    Je ne vous parlerai que lorsqu’en l’eau profonde
    Votre visage pur se sera reflété
    Et lorsque la fraîcheur fugitive de l’onde
    Vous aura dit le peu que dure la beauté.

    Il faudra que vos mains pour en être odorantes,
    Aient cueilli le bouquet des heures et, tout bas,
    Qu’en ayant respiré les âmes différentes
    Vous soupiriez encore et ne souriiez pas...

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    Les hauts buis d’alentour bordent un rond-point d’eau.
    Aux angles du bassin, devant leurs ombres graves,
    La Déesse aux yeux durs et le Dieu aux yeux caves
    Tiennent l’un le trident et l’autre le marteau.

    Au centre, enseveli dans un vivant tombeau,
    Un Encelade tord, sous l’amas noir des laves,
    Son gigantesque corps qui, nu dans ses entraves,
    ...