C'était le jour des morts : Une froide bruine
Au bord du ciel rayé, comme une trame fine,
        Tendait ses filets gris ;
Un vent de nord sifflait ; quelques feuilles rouillées
Quittaient en frissonnant les cimes dépouillées
        Des ormes rabougris ;...

 
Dans le fond de mon âme, agitant ma pensée,
Je restais là rêveur et la tête baissée
        Debout contre un tombeau.
C'était un marbre neuf, et sur la blanche épaule
D'un génie éploré, les longs cheveux d'un saule
        Tombaient comme un manteau.

...

 
Et je rentrai chez moi. — De lugubres pensées
Tournaient devant mes yeux sur leurs ailes glacées
        Et me rasaient le front.
Comme on voit sur le soir autour des cathédrales,
Des essaims de corbeaux dérouler leurs spirales
        Et voltiger en rond....

 
La mort est multiforme, elle change de masque
Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque ;
        Elle sait se farder,
Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse,
Qui vous montre les dents et vous fait la grimace
        Horrible à regarder.

...

 
A travers les soupirs les plaintes et le râle
Poursuivons jusqu'au bout la funèbre spirale
        De ses détours maudits.
Notre guide n'est pas Virgile le poëte,
La Béatrix vers nous ne penche pas la tête
        Du fond du paradis.

Pour guide nous...

 
La spirale sans fin dans le vide s'enfonce ;
Tout autour, n'attendant qu'une fausse réponse
        Pour vous pomper le sang,
Sur leurs grands piédestaux semés d'hiéroglyphes,
Des Sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes,
        Roulent leur...

 
DON JUAN.

Heureux adolescents, dont le cœur s'ouvre à peine
Comme une violette à la première haleine
        Du printemps qui sourit,
Ames couleurs de lait, frais buissons d'aubépine
Où, sous le pur rayon, dans la pluie argentine
        Tout...

 
Ainsi parla don Juan, et sous la froide voûte,
Las, mais voulant aller jusqu'au bout de la route,
        Je repris mon chemin.
Enfin je débouchai dans une plaine morne
Qu'un ciel en feu fermait à l'horizon sans borne,
        D'un cercle de carmin.

...

 
Me voilà revenu de ce voyage sombre,
Où l'on n'a pour flambeaux et pour astre dans l'ombre
        Que les yeux du hibou ;
Comme après tout un jour de labourage, un buffle
S'en retourne à pas lents, morne et baissant le muffle,
        Je vais ployant le cou...