• Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
    Un beau palmier comme un panache vert
    Dresse sa tête, où le soir les colombes
    Viennent nicher et se mettre à couvert.

    Mais le matin elles quittent les branches ;
    Comme un collier qui s’égrène, on les voit
    S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
    Et se poser plus loin sur quelque toit.

    Mon âme est...

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    C'était le jour des morts : Une froide bruine
    Au bord du ciel rayé, comme une trame fine,
            Tendait ses filets gris ;
    Un vent de nord sifflait ; quelques feuilles rouillées
    Quittaient en frissonnant les cimes dépouillées
            Des ormes rabougris ;

    Et chacun s'en allait dans le grand cimetière,
    Morne, s'agenouiller sur le coin de la...

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    Dans le fond de mon âme, agitant ma pensée,
    Je restais là rêveur et la tête baissée
            Debout contre un tombeau.
    C'était un marbre neuf, et sur la blanche épaule
    D'un génie éploré, les longs cheveux d'un saule
            Tombaient comme un manteau.

    La bise feuille à feuille emportait la couronne
    Dont les débris jonchaient le fût de la...

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    Et je rentrai chez moi. — De lugubres pensées
    Tournaient devant mes yeux sur leurs ailes glacées
            Et me rasaient le front.
    Comme on voit sur le soir autour des cathédrales,
    Des essaims de corbeaux dérouler leurs spirales
            Et voltiger en rond.

    Dans ma chambre, où tremblait une jaune lumière,
    Tout prenait une forme horrible et...

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    La mort est multiforme, elle change de masque
    Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque ;
            Elle sait se farder,
    Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse,
    Qui vous montre les dents et vous fait la grimace
            Horrible à regarder.

    Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière,
    Ils ne dorment pas tous sur des chevets de...

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    A travers les soupirs les plaintes et le râle
    Poursuivons jusqu'au bout la funèbre spirale
            De ses détours maudits.
    Notre guide n'est pas Virgile le poëte,
    La Béatrix vers nous ne penche pas la tête
            Du fond du paradis.

    Pour guide nous avons une vierge au teint pâle
    Qui jamais ne reçut le baiser d'or du hâle
            Des...

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    La spirale sans fin dans le vide s'enfonce ;
    Tout autour, n'attendant qu'une fausse réponse
            Pour vous pomper le sang,
    Sur leurs grands piédestaux semés d'hiéroglyphes,
    Des Sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes,
            Roulent leur oeil luisant.

    En passant devant eux, à chaque pas l'on cogne
    Des os demi rongés, des...

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    DON JUAN.

    Heureux adolescents, dont le cœur s'ouvre à peine
    Comme une violette à la première haleine
            Du printemps qui sourit,
    Ames couleurs de lait, frais buissons d'aubépine
    Où, sous le pur rayon, dans la pluie argentine
            Tout gazouille et fleurit.

    O vous tous qui sortez des bras de votre mère
    Sans connaître la vie et la...

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    Ainsi parla don Juan, et sous la froide voûte,
    Las, mais voulant aller jusqu'au bout de la route,
            Je repris mon chemin.
    Enfin je débouchai dans une plaine morne
    Qu'un ciel en feu fermait à l'horizon sans borne,
            D'un cercle de carmin.

    Le sol de cette plaine était d'un blanc d'ivoire,
    Un fleuve la coupait comme un ruban de moire...

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    Me voilà revenu de ce voyage sombre,
    Où l'on n'a pour flambeaux et pour astre dans l'ombre
            Que les yeux du hibou ;
    Comme après tout un jour de labourage, un buffle
    S'en retourne à pas lents, morne et baissant le muffle,
            Je vais ployant le cou.

    Me voilà revenu du pays des fantômes ;
    Mais je conserve encor loin des muets royaumes...